Professeur émérite à Sciences Po Paris, le politiste Bertrand Badie concentre ses recherches sur la sociologie des relations internationales. A l’occasion du 80e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale, l’auteur d’une trentaine d’ouvrages, dont le dernier est intitulé L’Art de la paix (Flammarion, 2024), revient sur ce qui reste de l’ordre mondial mis en place en 1945.

A l’issue de la seconde guerre mondiale, les Alliés ont-ils tous la même conception de la paix ?

En 1945, ils s’accordent sur le code multiséculaire hérité de la naissance des Etats-nations, en Europe, à l’époque moderne : ce cadre normatif est fondé sur la compétition de puissance entre Etats souverains hors de toute préoccupation idéologique ou sociale. Avec la seconde guerre mondiale, ce système, cependant, se décompose et, après 1945, il ne fonctionne pratiquement plus.

Cette décomposition est le fruit de trois éléments inédits. Le premier est l’entrée en force des idéologies. Auparavant, les guerres ne se faisaient qu’exceptionnellement en leur nom, mais, avec la seconde guerre mondiale, le choc entre les démocraties libérales, le nazisme et l’ordre stalinien transforme les tensions idéologiques en facteurs d’affrontement.

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Le second est l’appropriation sociale du jeu international. A partir de la seconde guerre mondiale, une part déterminante de son histoire relève de la résistance des sociétés civiles : lors des guerres ultérieures, on voit monter cette résilience des opinions publiques – et elle ne disparaît plus.

Le troisième est le début d’agonie du principe de la force. En 1945, les puissances sont à leur zénith : les Alliés ont abattu le monstre nazi, ce qui leur donne un parfum de vertu, mais on commence à comprendre, après la Libération, que la force seule ne produira plus, à l’avenir, les résultats escomptés.

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