• Un Marseillais est détenu en prison depuis vingt-huit ans pour de multiples arnaques visant des femmes âgées.
  • Il opérait depuis sa cellule, avec un simple téléphone.
  • Lors de sa dernière libération, en mai dernier, il n’a tenu que 45 minutes avant de récidiver.

Suivez la couverture complète

LE WE 20H

Les barreaux ne l’ont jamais arrêté. Depuis sa cellule d’Osny (Val-d’Oise), celle de Meaux (Seine-et-Marne) ou encore de Châteaudun (Eure-et-Loir), Achref S., parfois surnommé « le Madoff des prisons », a fait des dizaines de victimes à l’aide d’un simple téléphone. « Il cherchait les numéros de téléphone des gens qui avaient 80, 90 ans et il tentait », raconte Lola, la fille d’une de ses victimes, dans le reportage ci-dessus. 

Je pense qu’il est dangereux parce qu’il manipule tout le monde.

Lola, fille d’une des victimes

Les journalistes de TF1 la rencontre dans son appartement en région parisienne. Ce n’est pas son vrai prénom, elle préfère rester discrète par peur de représailles. « Je pense qu’il est dangereux parce qu’il manipule tout le monde », dit-elle. Sa mère Nicole, aujourd’hui décédée, avait 93 ans le jour où un prétendu policier l’appelle. « Ma mère a reçu un coup de téléphone un matin lui disant que son compte était piraté et qu’il fallait absolument sortir l’argent avant que les pirates n’aient tout pris. La personne qui était au téléphone s’est présenté comme étant le capitaine Morel », poursuit-elle. 

L’homme au bout du fil est en réalité un détenu au bagout exceptionnel. Il demande à sa mère de régler plusieurs sommes via une carte de paiement prépayée afin que le virement soit intraçable et irréversible. Avec un simple téléphone, il récupère la somme à distance : 2.000 euros sans quitter sa cellule. « Il est en prison, donc je suis surprise évidemment. Comment c’est possible ? », s’interroge Lola. « C’est l’exemple parfait de l’incapacité de l’administration pénitentiaire à pouvoir venir à bout de ce fléau que sont les téléphones portables. Aujourd’hui, vous avez 85.000 détenus dans les établissements pénitentiaires français, grosso modo, vous avez 170.000 téléphones qui circulent », avance Me Philippe Van Der Meulen, ancien avocat d’Achref S.

Il est transféré 50 fois dans plus de 20 prisons

Parfois policier, parfois conseiller bancaire, Achref S., 47 ans, est devenu au fil des années un professionnel de l’escroquerie. Il a au moins 55 mentions sur son casier judiciaire. Cet arnaqueur de personnes âgées est emprisonné depuis ses 18 ans. Il a passé presque trente années derrière les barreaux où il n’a, semble-t-il, jamais eu de problèmes pour se procurer un téléphone. Les enquêteurs l’ont interrogé à ce sujet. Il explique qu’il a récupéré ses puces et téléphones « par des détenus en échange de paquets de cigarettes et de cantine ». « Le prix d’un téléphone varie entre 400 et 1.200 euros », leur précise-t-il. Les appels sont passés depuis sa cellule pendant des heures. « Je tape une recherche par ville et je pense avoir appelé environ 1.000 personnes (…) Je leur dis : ‘votre carte a été piratée’ (…) Je demande les numéros de la carte bancaire », leur indique-t-il encore.

Puis il manipule ses victimes jusqu’à leur faire débloquer de l’argent, leur assurance-vie par exemple, qu’il récupère soit par virement, chèques de banque ou via l’aide de complices. Au gré des procédures judiciaires, il est transféré à 50 reprises dans plus de 20 prisons différentes. Cela ne l’a jamais empêché de recommencer. 

Il a passé pas mal de diplômes en prison. Là, il est en train d’étudier le droit donc il est très habile.

Louise Colcombet, journaliste spécialisée au Parisien

Avec son téléphone, depuis sa cellule, il tente même de se faire passer pour certains magistrats afin d’obtenir des réductions de peine. Il va jusqu’à usurper l’identité de son propre avocat pour une énième arnaque, la session d’un fonds de commerce localisé à Marseille. Maître Van Der Meulen sera contraint de se séparer de son client. « La vente était frauduleuse et donc j’aurais pu être considéré comme complice. Pour la première fois de ma carrière, j’ai donc dû déposer plainte », admet-il. 

Comment a-t-il réussi autant d’escroqueries ? Louise Colcombet, journaliste spécialisée au Parisien, a travaillé sur ce dossier, elle nous décrit un arnaqueur compulsif et brillant. « Cette personne, Achref, qui est très intelligente, tout le monde le dit, qui est même extrêmement doué. Il a passé pas mal de diplômes en prison. Là, il est en train d’étudier le droit donc il est très habile. Il met en confiance de façon assez extraordinaire », affirme-t-elle. 

Son savoir-faire, il s’en est aussi servi pour dissimuler l’argent volé, comme il l’explique aux enquêteurs. « Cet argent, je le blanchis en achetant des lingots d’or ou pièces d’or, ou je le transfère sur les comptes de certains amis », argue-t-il. Achref S. sortira-t-il un jour de prison ? Rien n’est moins sûr. Il y a trois mois, lors d’une permission, il n’a pas tenu plus de quarante-cinq minutes avant de commettre un nouveau vol, cette fois de carte bleue. « Sa première sortie s’est soldée immédiatement par une nouvelle escroquerie, c’est-à-dire que, à peine une heure après être sorti de prison, il était devant un distributeur de billets et il a renoué avec ce qu’on appelle ‘le vol à la détourne’, c’est-à-dire en étant très agile et en dérobant la carte bancaire », détaille Louise Colcombet.

Pour cette affaire, il a été condamné à trois ans de prison supplémentaire. Achref S. est incarcéré à Condé-sur-Sarthe, l’un des établissements les plus sécurisés de France, et sera libérable en 2049, s’il ne récidive pas.

Virginie FAUROUX | Reportage : Suzanne PREZ, Olivier CRESTA et Romain REVERDY

Partager
Exit mobile version