Christophe de Neuville est revenu, une fois encore, à Dunkerque (Nord), mercredi 7 mai, pour des rencontres à la mairie et au tribunal. Avec, toujours, sa souffrance, ses « mille questions » et le même espoir : retrouver sa mère biologique et ses origines. Ce Belge de 65 ans est l’un des enfants nés sous X mis au monde dans une demi-douzaine de cliniques privées du nord de la France, entre 1950 et la fin des années 1980. Au total, de 30 000 à 40 000 bébés, peut-être même davantage, auraient été victimes de ce que certains d’entre eux, devenus adultes, dénoncent comme une forme de trafic : des jeunes femmes enceintes, pour la plupart flamandes mais aussi néerlandaises, qui ne pouvaient ou ne voulaient pas garder leur bébé, étaient envoyées, par le biais d’institutions catholiques, vers des établissements français. Peu après la naissance, l’enfant leur était retiré, puis conduit séparément en Belgique, pays où l’accouchement sous X n’existait pas.

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Une association belge, l’Œuvre d’adoption, orchestrait ces opérations. A sa tête, Thérèse Wante (1902-1977), une femme réputée pour son caractère inflexible (une « vraie teigne », confia un jour une ancienne employée) et sa belle Mercedes. Issue d’une famille très pieuse d’Anvers, elle fut novice durant quelques mois avant de créer, en 1950, cette œuvre censée aider aussi bien les couples en mal d’enfant que les jeunes filles, souvent issues de « bonnes » familles, accusées d’avoir « fauté ». Sous le contrôle de « Melle Wante », comme tout le monde l’appelait, l’entreprise devint vite florissante et put agir en toute illégalité, sans être inquiétée. Thérèse Wante, jamais mise en cause de son vivant, a profité d’évidentes complicités en France, d’un vide juridique en Belgique et, partout, d’une absence criante de contrôle sur ses pratiques.

« Nous avons été des enfants volés, vendus, comme des marchandises », résume M. de Neuville. Lui-même avait 3 jours lorsqu’il fut soustrait à sa mère et amené en Belgique. Dans la banlieue d’Anvers, les bébés transitaient par une maison baptisée « Bambino ». Une villa voisine abritait pour un temps les filles mères avant que les parents adoptifs viennent chercher le bambin contre rétribution. En cas de problème avec l’enfant, ils pouvaient en changer. « Certains ont été rendus parce qu’ils pleuraient trop, n’avaient pas le quotient intellectuel requis, ou “sentaient mauvais”, comme la petite Marion, que Thérèse Wante avait confiée à mes parents adoptifs et qu’ils ont rendue au bout deux semaines », témoigne Donatienne Cogels.

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