L’imam Mahjoub Mahdjoubi devant la mosquée Attawba, à Bagnols-sur-Cèze, le 20 février.

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Aux abords de la mosquée Attawba, à Bagnols-sur-Cèze (Gard), le calme semblerait presque revenu. Sous le soleil d’avril, les fidèles vont et viennent tranquillement mais peu acceptent de commenter l’affaire qui secoue depuis huit semaines la communauté musulmane de cette ville de dix-huit mille habitants.

C’est ici que l’imam Mahjoub Mahdjoubi, tunisien installé en France depuis 1986, a été interpellé puis expulsé le 22 février, sur demande du ministre de l’intérieur, pour avoir tenu des prêches anti-français. La tension n’est en réalité pas retombée et l’affaire prend une nouvelle tournure.

Le maire sans étiquette (mais proche de la majorité présidentielle) et son conseil municipal ont voté, le 2 avril, avec le soutien des élus du Rassemblement national (RN), durant une séance sous haute protection policière, la résiliation anticipée « pour faute grave » du bail emphytéotique liant la municipalité à l’Association des musulmans du Gard rhodanien (AMGR), qui gère la mosquée où l’imam a notamment qualifié le « drapeau tricolore » – sans préciser s’il fait référence au drapeau français – de « drapeau satanique ».

Un « sujet sensible »

Pour sa défense, Mahjoub Mahdjoubi avait plaidé un « simple lapsus » mais, selon le préfet du Gard, d’autres prêches récents, que l’imam diffusait ­notamment sur Facebook, avaient bien constitué des « appels à la haine ». Depuis, le tribunal de Paris a validé cette expulsion, jugeant que les propos prononcés ne s’inscrivaient pas dans « le cadre des valeurs de la République ».

Le 10 juin au plus tard, donc, la ville reprendra possession du local, situé à quelques centaines de mètres de la mairie. Après avoir longtemps tenu les journalistes à l’écart et gardé le silence, le maire, Jean-Yves Chapelet, qui a reçu plusieurs menaces de mort, évoque un « sujet sensible ». « J’ai d’abord laissé passer l’étape judiciaire. Je ne suis pas là pour fermer des lieux de culte, mon rôle est justement de garantir la laïcité dans le respect de la loi et des contrats. Or, il y a eu trouble à l’ordre public et mise à mal de la laïcité. Les propos de M. Mahjoubi constituent une faute grave », estime-t-il. En découvrant la vidéo relatant les prêches, le maire, qui entretenait une relation de confiance avec l’imam, s’est dit « estomaqué ».

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Dans la mosquée, près de l’esplanade du Mont-Cotton, le trésorier de l’association, Rachid Alloul, se montre embêté. « Le maire fait de la politique. On ne veut pas l’accabler plus que cela, lui aussi est passé sous les rouleaux compresseurs des médias avec cette histoire, mais nous ne comprenons pas son choix. » Ici, selon ce responsable, entre quatre cents et cinq cents fidèles participent à la prière du vendredi (plutôt deux cents, selon la mairie). « Si on ferme la mosquée, où ces gens iront-ils prier ? s’interroge-t-il. Le culte religieux doit être ­encadré. La justice fait son travail. De notre côté, nous avons demandé la démission de Mahjoub Mahjoubi dès le 24 février. L’association n’a plus de lien direct avec lui, alors pourquoi punir toute une communauté ? »

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