Histoire d’une notion. Invité le 22 septembre, sur France 2, après la formation de son gouvernement, le premier ministre, Michel Barnier, a réaffirmé, comme il l’avait déjà fait le 12 septembre, devant les parlementaires Les Républicains réunis à Annecy, qu’il n’existe « pas de domaines réservés » attribués au président de la République, mais plutôt des « domaines partagés ». Avant d’ajouter qu’« il faut aussi cet esprit de compromis positif, dynamique » avec le président, pour l’« intérêt du pays ».

Ces propos se situent dans la droite ligne de ceux tenus par Alain Peyrefitte (1925-1999), garde des sceaux de Valéry Giscard d’Estaing, en mars 1978 : « Le domaine réservé, cela n’existe pas. (…). C’est une fausse théorie qui n’a aucune base constitutionnelle. » Ce gaulliste historique sonnait le tocsin, alors que la gauche (Parti socialiste et Parti communiste), avec son programme commun, menaçait de remporter les élections législatives des 12 et 19 mars – ce qui n’advint finalement pas.

« Dans le texte de la Constitution, le domaine réservé n’est écrit nulle part », confirme le professeur de droit Dominique Rousseau. C’est Jacques Chaban-Delmas (1915-2000) qui a élaboré cette notion lors des assises de l’Union pour la nouvelle République, en 1959. Au début de la Ve République, le parti gaulliste n’est pas majoritaire, et Chaban-Delmas, qui a été élu président de l’Assemblée nationale contre l’avis du général de Gaulle, décrit un « secteur réservé ou présidentiel » qui « comprend l’Algérie, sans oublier le Sahara, la communauté franco-africaine, les affaires étrangères, la défense ». Il ajoute que, face à cela : « Le secteur ouvert se rapporte au reste, un reste, d’ailleurs, considérable, puisqu’il réunit les éléments mêmes de la condition humaine. Dans le premier secteur, le gouvernement exécute, dans le second, il conçoit ».

Ministres compatibles avec le chef de l’Etat

Ulcéré, le général de Gaulle – qui estimait en bon militaire que tout procédait de son autorité – a rongé son frein. Il prend sa revanche trois ans plus tard, après la victoire du oui au référendum de 1962, qui consacre l’élection du président de la République au suffrage universel. Dès lors, au moment de la conférence de presse du 31 janvier 1964, véritable « Constitution de Gaulle », il articule son pouvoir autour de deux déclarations majeures : « Une Constitution, c’est un esprit, des institutions, une pratique. Et surtout : « Il n’y a pas de dyarchie au sommet de l’Etat. » La messe est dite. « L’autorité indivisible de l’Etat est aux mains du président : il répartit les compétences en fonction des circonstances », résume Dominique Rousseau.

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