Le cinéaste français Dominik Moll a impressionné la Croisette avec « Dossier 137 », son nouveau polar.
Après « La Nuit du 12 », il utilise de nouveau le genre pour ausculter les maux de la société française.
En conférence de presse ce vendredi, il a pris la défense du mouvement des Gilets jaunes et regretté le silence des politiques face aux violences policières.

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Dominik Moll est un réalisateur qui nous veut du bien. Du moins qui cherche à recréer un dialogue entre les citoyens, à l’heure où les réseaux sociaux les accablent et les divisent. Après avoir abordé la question des violences sexistes dans La Nuit du 12, couronné par 7 César, dont celui du meilleur film, son Dossier 137 présenté en compétition à Cannes aborde la question des violences policières à travers l’enquête menée par une inspectrice de l’IGPN, après la grave blessure subie par un jeune garçon durant une manifestation des Gilets jaunes, en décembre 2018. 

« La Nuit du 12, qui se déroulait au sein d’une unité de la brigade criminelle m’a donné envie de continuer à explorer l’univers de la police et son fonctionnement et je sentais qu’il y avait matière fiction sur des policiers enquêtant sur des policiers », a expliqué le cinéaste ce vendredi en conférence de presse. Comme pour son film précédent, le cinéaste et son scénariste Gilles Marchand se sont immergés dans le quotidien de la « police des polices » dont l’impartialité a été maintes fois décriée lors du mouvement social.

« De la part du pouvoir politique, il n’y a jamais eu un geste, une parole pour dire : ‘cette blessure n’aurait pas dû vous arriver’.

Dominik Moll

« Que je lisais des enquêtes de presse dans Le Monde ou Mediapart, il était toujours insinué que l’IGPN ne faisait pas bien son boulot, qu’elle essayait de couvrir les policiers et de ne pas aller jusqu’au bout de ses enquêtes« , a souligné Dominik Moll. « De ce que j’ai pu voir, je n’ai pas eu l’impression que les affaires étaient bâclées. Après, ce n’est pas l’IGPN du classement ou non d’une affaire. Elle travaille avec le parquet comme pour une enquête criminelle et c’est un procureur qui décide s’il faut donner suite ou non. Mais c’est vrai que pour le nombre de plaintes à cette époque, peu ont abouti à une mise en examen ou un procès. »

Comme La Nuit du 12, Dossier 137 utilise le genre du film policier pour porter un regard plus large sur l’évolution de la société française. En l’occurrence la grogne sociale qui a donné naissance à une situation explosive. « C’est une période à la fois récente et lointaine, car le Covid est passé par là », a rappelé le cinéaste. « Elle a ébranlé le pouvoir politique et mené à une surréaction au niveau des forces de l’ordre. C’est aussi un mouvement qui a mis au jour des fractures qui traversent la société française, notamment entre Paris et des territoires de province où les services publics déclinent et où les gens ont l’impression qu’on ne s’intéresse pas à eux. Ces fractures existent toujours. »

« Ce que je trouve encore plus problématique, dans le cas des manifestants des Gilets jaunes, c’est qu’ils ont été considérés comme des dommages collatéraux », a encore regretté Dominik Moll. « De la part du pouvoir politique, il n’y a jamais eu un geste, une parole pour dire : ‘cette blessure n’aurait pas dû vous arriver’. Ne serait-ce que ça, prendre en considération la souffrance de ces gens, je ne vois pas ce que ça aurait coûté. Je crois que c’est presque pire pour les victimes de violences policières. Elles ont l’impression que tout le monde s’en fout. Et j’espère que film va au moins changer ça. »

Jérôme VERMELIN à Cannes

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