La Corée du Nord sort renforcée de la guerre, selon Kyrylo Boudanov, chef du renseignement militaire ukrainien

Dans un entretien au quotidien anglophone The Japan Times, Kyrylo Boudanov, chef du renseignement militaire ukrainien, explique que la Corée du Nord sort renforcée de la guerre. En soutenant Moscou, le régime a acquis une expérience critique du champ de bataille, ainsi qu’un accès à des armes avancées, des technologies militaires et une formation tactique. Cela a non seulement influencé le cours de la guerre en Europe, mais pourrait aussi affecter l’équilibre des forces en Asie du Nord-Est.

« Il n’existe actuellement que trois pays au monde ayant l’expérience de mener une guerre moderne sur une très longue ligne de front en utilisant pratiquement tous les moyens conventionnels disponibles : l’Ukraine, la Russie et la Corée du Nord », souligne-t-il.

Environ 5 000 soldats nord-coréens auraient été tués ou blessés après l’envoi estimé, l’an dernier, de 12 000 hommes pour repousser l’incursion ukrainienne dans l’oblast russe de Koursk.

Pyongyang n’a reconnu qu’en avril que des soldats avaient été tués, tout en affirmant que sa participation aux combats avait pris fin. Le général Boudanov cite plusieurs raisons expliquant ce lourd bilan : la principale étant « le manque de préparation à la guerre du XXIᵉ siècle. Ce pour quoi ils avaient été formés en Corée du Nord s’est avéré moins pertinent pour les opérations d’assaut modernes », précise-t-il. A cela s’ajoutait une mauvaise coordination avec les troupes russes, notamment à cause de la barrière linguistique, entraînant parfois des incidents de « tir ami », où des Nord-Coréens ont ouvert le feu par erreur sur des Russes.

Mais, selon chef du renseignement militaire ukrainien, les Nord-Coréens « se sont rapidement adaptés ». Sur le champ de bataille, ils ont progressivement adopté des tactiques et équipements modernes : « Ils opèrent, comme les Russes, surtout en petits groupes. Ils ont appris à se déplacer rapidement, non seulement en utilisant des drones, mais aussi en s’en protégeant. »

Kyrylo Boudanov estime que la Corée du Nord a reconstitué ses effectifs en Russie, atteignant de nouveau environ 12 000 soldats, la plupart des pertes ayant été remplacées. Le général Boudanov n’exclut pas que Pyongyang déploie encore des troupes, ouvertement ou discrètement, par exemple sous couvert de travailleurs migrants, d’autant que les vols directs entre Pyongyang et Moscou ont repris le mois dernier et que Kim Jong-un a offert son « soutien inconditionnel » à la Russie.

Le soutien de Pyongyang à Moscou ne se limite pas aux troupes. Selon le renseignement ukrainien, la Corée du Nord fournit actuellement 40 % des munitions de 122 mm et 152 mm utilisées par l’armée russe, produites en continu dans le pays. Moscou a également reçu des centaines de systèmes d’artillerie, de lance-roquettes multiples et de missiles. Certains de ces armements étaient au départ peu efficaces, mais la Russie a corrigé de nombreuses lacunes. Par exemple, le missile KN-23, d’une portée de 690 kilomètres, est désormais plus précis après des modernisations russes.

Les enseignements du conflit sont désormais transmis à l’ensemble du 1,3 million de soldats nord-coréens. Combinés aux transferts de technologies par Moscou et à la maîtrise croissante des tactiques modernes de guerre par Pyongyang, cela a clairement « un impact négatif sur la sécurité dans la région Pacifique », affirme le général.

La Russie envoie des spécialistes pour entraîner l’armée nord-coréenne à l’utilisation de drones de combat, de systèmes de défense aérienne, et pour aider à produire localement des drones d’attaque de type Shahed/Gueran. Des systèmes de guerre électronique et des Pantsir-S1 ont été livrés à Pyongyang pour protéger la capitale.

Des officiers nord-coréens suivent une formation au combat moderne en Russie, notamment dans l’Extrême-Orient russe, tandis que l’université militaire Kim Il-sung coopère avec Moscou pour élargir la formation. Pyongyang chercherait aussi une aide russe dans le domaine spatial, notamment pour ses satellites espions.

« Nous soulignons constamment que la coopération Moscou-Pyongyang ne menace pas seulement l’Ukraine », avertit M. Boudanov. Cette alliance pourrait rendre Pyongyang plus imprévisible et moins enclin à écouter la Chine, affaiblissant l’influence de Pékin. « Le risque d’actions impulsives et menaçantes de la part du régime nord-coréen doit donc être pris au sérieux. »

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