Depuis son accession au pouvoir, Donald Trump a multiplié les décrets visant à déconstruire la politique climatique des États-Unis.
La recherche a été la première visée, avec des réductions budgétaires et des licenciements.
Des décisions sur le charbon, l’exploitation des fonds marins et la participation des États-Unis aux négociations internationales inquiètent les experts.
Quelle sera leur portée ? Lors de son premier mandat, l’impact de décisions similaires avait été relatif. Mais le contexte a changé.

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Notre planète

Des suppressions de postes, des enveloppes budgétaires, diminuées ou supprimées, des promesses financières retirées, des annonces sur le charbon, l’exploitation minière des grands fonds marins, mais aussi le retour des pailles en plastique ou le débit d’eau sous la douche… depuis 100 jours et son accession à la Maison Blanche, Donald Trump a multiplié les prises de paroles, coups d’éclat et autres signatures de décrets sur l’environnement. 

Sur ce sujet, comme sur d’autres, c’est la fameuse stratégie du chaos, chère à Steve Bannon, son ancien conseiller. « La véritable opposition, ce sont les médias. Et la manière de procéder avec eux, c’est d’inonder la zone de merde« , prophétisait ce dernier à l’époque. Dès lors, comment faire la différence entre les mesures qui auront ou non un impact sur le climat et l’environnement aux États-Unis et dans le monde ? 

Déjà 110 actions qui menacent l’environnement, le climat et la santé

Parmi les inquiétudes les plus fondées, le chercheur François Gemenne liste « l’abandon des instruments de mesure (météo, CO2, observation satellite, etc.), le démantèlement des agences et laboratoire de recherche, la relance du charbon, la sortie de l’Accord de Paris et l’incertitude sur la participation des États-Unis aux travaux du Giec« .

Mi-avril, l’ONG NRDC (nouvelle fenêtre), qui traque les décisions prises par le président américain, avait de son côté relevé « au moins 110 actions qui menacent directement l’environnement, le climat et la santé humaine« , et tient un décompte en ligne de celles-ci.

Un encouragement au « backlash écologique » ?

Si beaucoup de décisions et décrets sont contestés devant les tribunaux – avec succès souvent, notamment dans les dossiers de licenciements de scientifiques –, ceux-ci inquiètent à plusieurs titres :

  • Si le premier mandat de Donald Trump avait également été marqué par des attaques contre l’environnement, celles-ci s’étaient finalement beaucoup réduites à des mots. Et la sortie des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat n’avait pas empêché le pays de maintenir ses engagements financiers internationaux sur le sujet, sa participation aux négociations et ses efforts pour diminuer ses émissions de gaz à effet de serre. Mais cette fois, les choses pourraient être différentes tant les décisions prises depuis cent jours semblent acter une volonté concrète de revenir en arrière.
  • Par ailleurs, ces décisions, qu’elles soient ou non maintenues, et traduites concrètement sur le terrain, sont un mauvais signal envoyé au reste du monde : encouragement au statu quo dans les autres pays ou retour en arrière, sur le modèle américain. Le fameux « backlash écologique » évoqué par certains chercheurs pour décrire la situation actuelle, à savoir cette tendance à vouloir ralentir la transition écologique, voire à la rendre responsable des problèmes économiques, notamment de compétitivité. C’est par exemple l’Union européenne qui, via son « paquet omnibus », dit vouloir simplifier la vie des entreprises, mais envisage de revenir sur certaines normes environnementales prises dans le cadre du Green Deal.

Une COP cruciale à venir… sans les États-Unis ?

Or, le moment n’est pas anodin en termes de trajectoire de réchauffement pour la planète : les États du monde entier doivent publier leurs nouvelles contributions déterminées (NDC, en anglais) avant la COP30 à Belém, au Brésil. Concrètement, ils doivent dire quels seront leurs engagements de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre sur la période 2026-2030.

Mais désormais, une absence des États-Unis lors de cette conférence internationale sur le climat est redoutée, amputant une partie du dialogue Nord-Sud sur lequel se sont crispées les dernières COP. Une telle absence serait une première, car même les présidents américains réticents ont, par le passé, envoyé une délégation.

Des données scientifiques perdues

Outre le retrait de l’accord de Paris, comme lors de son premier mandat, d’autres décisions inquiètent : l’administration américaine a ainsi confirmé la semaine dernière la suppression du bureau chargé de la diplomatie climatique, qui représente les États-Unis lors des COP. Déjà, en février, les scientifiques américains s’étaient vu interdire toute participation à une réunion du Giec qui se tenait en Chine pour préparer le prochain rapport attendu en 2029.

En dehors des enjeux diplomatiques et politiques, la crainte se situe aussi du côté de la recherche : les récentes décisions, en termes de budget ou de suppressions de postes, pourraient réduire la contribution des chercheurs américains aux travaux internationaux. Et donc, la connaissance. La Maison Blanche a notamment dans son viseur l’agence NOAA, soit l’agence américaine d’observation océanique et atmosphérique, dont les données sont essentielles pour construire des modèles climatiques notamment. Or, celle-ci s’est vue, en 100 jours, amputée d’une partie de son budget et de son personnel.

Ce n’est pas la seule. Lundi, l’administration américaine a signifié aux auteurs de la sixième évaluation nationale sur le changement climatique, attendue pour 2028, qu’ils étaient « libérés de leurs fonctions« . Et la liste des institutions ou laboratoires visés pourrait encore s’allonger.

Moins d’argent sur la scène internationale

En dehors des agences sur le sol américain, la nouvelle administration a aussi visé les institutions internationales et autres mécanismes de financement. Ainsi, les États-Unis ont annulé tout engagement financier en faveur du Fonds vert pour le climat, un mécanisme créé lors de la COP de Copenhague en 2009 et qui vise à aider les pays les plus vulnérables à lutter contre les effets du changement climatique et à s’adapter. 

Dans le même registre, le pays a supprimé sa contribution au Fonds pertes et préjudices, acté lors de la COP28 de Dubaï, pour aider les pays touchés à faire face aux dégâts causés par le changement climatique. La Maison Blanche s’est aussi désengagée des Partenariats pour une transition énergétique juste signés avec l’Afrique du Sud et l’Indonésie, des alliances mises en place pour aider ces pays à sortir du charbon.

Des sanctuaires directement menacés

Au-delà de l’aspect financier, certaines décisions pourraient aussi avoir des conséquences dramatiques sur les écosystèmes. Donald Trump a ainsi signé un décret autorisation l’exploitation minière des fonds marins dans les eaux internationales et l’entreprise canadienne The Metal Company est sur les rangs. 

Ce faisant, les États-Unis ont rompu en solitaire avec le statu quo acté sur la scène internationale, en attendant l’issue des négociations au sein de l’Autorité internationale des fonds marins.

Conséquences pour la planète, mais aussi sur le sol américain : Donald Trump a signé un autre texte visant à réautoriser la pêche commerciale dans le sanctuaire marin Pacific Remote Islands Marine National Monument. Créée par George W. Bush et étendu par Barack Obama, cette zone, en plein milieu de l’océan Pacifique, abrite l’un des écosystèmes les plus vulnérables au monde, accueillant de nombreuses espèces en danger, dont des requins et baleines.

Le charbon, comme lors du premier mandat ?

Toujours aux États-Unis, les récentes décisions de l’administration américaine pourraient paralyser le développement des projets d’énergie propre sur tout le territoire. Mi-mars, une trentaine de réglementations considérées comme très importantes pour l’environnement ont ainsi été détricotées : assouplissement des normes pour les émissions de centrales à charbon, idem sur le mercure, allègement du Clean Water Act qui protège les cours d’eau américains des pollutions, etc. En avril, il a signé des décrets visant à « doper » l’extraction du charbon aux États-Unis, en levant les barrières réglementaires à son extraction et en suspendant les fermetures prévues de nombreuses centrales.

Sur ce point, Donald Trump avait tenu le même discours lors de son premier mandat, s’en prenant au Clean Power Act de Barack Obama qui visait à réduire les émissions de CO2 liées à la production d’électricité et encourageant la production de charbon. Mais ce soutien au charbon ne s’était pas traduit par des faits, avec une transition énergétique du pays déjà engagée : de fait, la production et la consommation de charbon avait baissé durant son premier mandat. Le même scénario va-t-il se reproduire, dans un tout autre contexte mondial toutefois ? 

« Je pense que la baisse des émissions va se poursuivre, mais la grosse question est celle du rythme : la politique erratique de Donald Trump risque de décourager les investisseurs, de les conduire à retarder les investissements dans la décarbonation, analyse le chercheur François Gemenne. Je pense que c’est ça le principal effet pervers de sa politique : créer de l’incertitude et de l’instabilité qui vont retarder la transition, alors que celle-ci a besoin d’un cap clair. »

Marianne ENAULT

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