Le réalisateur de « La Nuit du 12 » Dominik Moll est en lice pour la Palme d’or avec un polar à la fois clinique et émouvant.
L’histoire d’une inspectrice de l’IGPN, interprétée par Léa Drucker, chargée d’enquêter sur un gros soupçon de bavure durant une manif des Gilets jaunes.
Si certains résumeront le film à un réquisitoire contre la police, son auteur pose un regard bien plus large sur l’évolution de notre société.

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Dans La Nuit du 12, récompensé par 7 César en 2023 dont celui du meilleur film, Dominik Moll dressait le constat terrible d’une misogynie latente, incrustée au plus profond de nos sociétés, à travers l’enquête impossible menée par un jeune inspecteur de police joué par Bastien Bouillon, suite au féminicide venu bouleverser la quiétude d’une petite commune savoyarde. Ce vrai-faux polar, dont on connaissait d’emblée la fin, nous tenait en haleine grâce à sa profonde empathie pour ses personnages et les questionnements collectifs qu’il soulevait. « C’est quelque chose qui cloche entre les hommes et les femmes », résumait la juge interprétée par Anouk Grimberg.

Avec Dossier 137, en lice pour la Palme d’or du 78ᵉ Festival de Cannes, le cinéaste et son fidèle scénariste Gilles Marchand reprennent peu ou prou le même dispositif. Inspectrice à l’IGPN, la police des polices, Stéphanie est chargée d’enquêter sur les événements qui ont conduit un jeune homme à recevoir un tir de LBD en plein visage durant une manifestation des Gilets Jaunes sur les Champs-Élysées, en décembre 2020. Tout en menant tant bien que mal sa vie de mère célibataire, cette flic rigoureuse reconstitue le fil des événements avec ses collègues et soupçonne vite l’implication de plusieurs membres de la BRI, envoyés en renfort sur les lieux à la demande des plus hautes sphères afin de « sauver la République », dixit l’un d’entre eux. Bien sûr, tous nient être responsables du drame.

Dominik Moll et Léa Drucker sur le tapis rouge, jeudi 15 mai. – AFP

Comme Stéphanie, le spectateur est persuadé du contraire. Et comme cette anti-héroïne brillamment interprétée par Léa Drucker, il va se heurter à un mur, malgré la découverte d’un témoignage qui relance l’intrigue à mi-parcours. Certains se hâteront de réduire Dossier 137 à un réquisitoire sans nuance contre les violences policières. Certes, Dominik Moll prend clairement le parti de la victime et n’hésite pas à tacler le chef de l’État et son ministre de l’Intérieur de l’époque. Mais il cherche moins à condamner les protagonistes d’un véritable de mensonge d’État qu’à interroger les mécanismes qui plombent une profession confrontée à une véritable crise de confiance. « C’est quelque chose qui cloche entre les flics et les Français », serait-on tenté de résumer.

Comme La Nuit du 12, Dossier 137 épouse les codes du genre pour embrasser le monde qui l’entoure au sens large. À plusieurs reprises, il pointe du doigt les discours de classes et les a priori qui vont avec. Il dénonce également la tyrannie des réseaux sociaux qui favorisent les clivages et encouragent au repli sur soi. Difficile de ne pas rire jaune durant cette séquence où la mère de Stéphanie s’abreuve de vidéos de chatons, sous le regard consterné de son vieux mari. C’est l’une des brèves respirations, salutaires, de ce polar dont on ressort mâchoires et poings serrés, les larmes aux yeux après l’apparition d’un personnage qu’on a attendu durant tout le film. S’il est encore un peu tôt pour faire un pronostic, on ne serait pas surpris de retrouver la première entrée française de la compétition au palmarès le 24 mai prochain.

>> Dossier 137 de Dominik Moll. Avec Léa Drucker, Jonathan Turnbull, Guslagia Malanda. 1h55. En salles le 19 novembre

Jérôme VERMELIN

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