« Ah, un petit merle ! Là, c’est le bazar, il y en a beaucoup, on va avancer… Ça, c’est un insecte qui vole, peut-être une abeille ? Encore du pouillot véloce, encore de l’avion… » Penché sur un ordinateur dans une salle de la maison du parc naturel régional du Gâtinais français (Essonne), Jérôme Sueur, enseignant-chercheur au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), découvre des sons enregistrés au cours des mois précédents.

Le magnétophone se trouve à quelques kilomètres de là : un petit boîtier vert feuillage, accroché au tronc d’un chêne dans une parcelle privée du parc. Le site, au cœur du massif forestier, est classé en zone Natura 2000 pour ses milieux ouverts de landes à bruyères. « Il y a une certaine émotion à écouter ça, ce sont des données décalées dans le temps mais très réelles. Nous sommes les témoins de quelque chose », ajoute Jérôme Sueur.

Cet écoacousticien est à l’origine du projet Sonosylva, né il y a deux ans et porté par le muséum et l’Office français de la biodiversité (OFB). Comme dans le Gâtinais, des enregistreurs ont été installés dans 102 autres forêts. Ces appareils discrets et programmables ont à chaque fois été placés dans des espaces protégés, à 1,5 mètre de hauteur sur un arbre d’environ 20 centimètres de diamètre, et à 400 mètres minimum de la lisière. « On a une bonne représentativité de la France hexagonale et de la Corse », précise Ludovic Crochard, ingénieur au MNHN et gestionnaire du projet.

Avec ces micros, l’objectif est de réaliser un état des lieux et un suivi de la biodiversité de ces espaces forestiers, à la fois réservoirs de biodiversité et puits de carbone, mais aussi d’estimer le niveau de pollution sonore lié aux activités humaines dans ces espaces – tout cela à partir du son. Ces enregistrements vont contribuer à la création d’un inventaire de référence du patrimoine naturel, hébergé dans la sonothèque du muséum. « On a l’habitude de parler du paysage de manière visuelle, mais le paysage a aussi une dimension sonore », explique Jérôme Sueur.

Recours à des outils d’intelligence artificielle

La surveillance acoustique a débuté en mer lors de la seconde guerre mondiale, avec les sonars des sous-marins militaires. Elle a donné naissance à la bioacoustique, qui s’intéresse au comportement sonore des animaux. Jérôme Sueur, lui, est le « père » français de l’écoacoustique : c’est à l’occasion d’un congrès international organisé au muséum, à Paris, en 2014, que cette jeune discipline scientifique, visant à enregistrer tous les sons émergeant d’un paysage naturel pour en extraire des informations essentielles au suivi et à la protection de la biodiversité, a été définie.

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