En lice pour la Palme d’or, « Eddington » met en scène une bourgade du Nouveau-Mexique plongée dans le chaos durant la pandémie de Covid.
Prodige du cinéma américain, le réalisateur Ari Aster s’essaie à la satire, mais manque cruellement de nuance.
Joaquin Phoenix, épatant en shérif redneck, sauve de la déception totale l’un des films les plus attendus de la compétition.

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Le cinéma américain en compétition à Cannes ? Une espèce en voie de disparition, la plupart des grands auteurs ayant été croqué, mâchés et digérés – par les plateformes de streaming. Autant dire que Eddington, le quatrième film du prodige Ari Aster, était attendu au tournant. Doté d’un casting cinq étoiles, ce western contemporain nous embarque au Nouveau-Mexique, en 2020, dans une petite bourgade qui s’apprête à réélire son maire alors que la pandémie de Covid-19 gagne du terrain.

Maire sortant, Ted Garcia (Pedro Pascal) encourage ses administrés à respecter les consignes sanitaires, tandis que le shériff Joe Cross (Joaquin Phoenix) fait de la résistance. Alors que de jeunes manifestants galvanisés par les réseaux sociaux multiplient les appels à la désobéissance, dans la confusion idéologique la plus totale, l’homme de loi décide de se porter candidat. Stupide ou malveillant ? Un peu des deux ? En propageant une fake news au sujet de son rival et de son épouse dépressive (Emma Stone), il bascule dans une spirale de paranoïa et de violence qui va tout emporter sur son passage. 

Une sorte de « Rambo » version MAGA

Révélé par deux films d’horreurs psychologiques malaisants, Hereditary (2018) et Midsommar (2019), Ari Aster s’était essayé à la tragicomédie avec Beau is Afraid (2023), avec déjà Joaquin Phoenix en vedette. Produit comme les précédents par le studio indépendant A24, Eddington le voit changer encore de registre en se frottant à la satire sur un terreau fertile : la pandémie qui a jeté une partie non négligeable (la majorité ?) de l’Amérique dans les bras des complotistes en tout-genre. Jusqu’à la réélection de qui vous savez. Sur le papier, c’était alléchant. En pratique, c’est plus compliqué.

S’il a le chic pour installer des atmosphères, lourdes et menaçantes, Ari Aster est clairement moins à l’aise avec le rythme de la comédie qui domine la première moitié du film, laborieuse malgré un Joaquin Phoenix fort convaincant en redneck allergique au port du masque. Autour de lui, Pedro Pascal, Emma Stone, Austin Butler et les autres peinent en revanche à impulser de la vie à leurs personnages, la faute à des dialogues mal fichus et à un faux-suspense : tôt ou tard, on sait que tout ça va mal finir. C’est d’ailleurs là que ce jeune cinéaste de 38 ans donne enfin sa pleine mesure.

Au cours d’une dernière heure qui gravite de l’absurde à l’hyperviolence, le jeu de massacre embarque le spectateur dans une sorte de Rambo version MAGA dont personne ne sort indemne. C’est admirablement exécuté, au propre comme au figuré. Ce qui est quelque part problématique. Le cinéaste a beau prôner le dialogue et la réconciliation en conférence de presse, son film n’est vraiment convaincant que lorsqu’il se résout à ce que le cinéma américain sait faire de mieux : sortir les gros flingues et tout détruire dans un bain de sang… sans jamais questionner l’appétit de l’Amérique pour l’autodestruction. Dommage.

 >> Eddington de Ari Aster. Azvec Joaquin Phoenix, Pedro Pascal, Emma Stone, Austin Butler. 2h25. En salles le 12 juillet

Jérôme VERMELIN

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