Emmanuel Macron a officiellement reconnu que la France avait mené « une guerre » au Cameroun contre des mouvements insurrectionnels avant et après l’indépendance de 1960, marquée par des « violences répressives », dans un courrier à son homologue camerounais, Paul Biya, rendu public mardi 12 août.

Le président français endosse ainsi les conclusions d’un rapport d’historiens qui lui avait été remis en janvier et qui a « clairement fait ressortir qu’une guerre avait eu lieu au Cameroun, au cours de laquelle les autorités coloniales et l’armée française ont exercé des violences répressives de nature multiple », ajoutant que « la guerre s’est poursuivie au-delà de 1960 avec l’appui de la France aux actions menées par les autorités camerounaises indépendantes ».

Ce rapport, de plus de 1 000 pages, avait été remis le 28 janvier, à Yaoundé, à Paul Biya, une semaine après avoir été présenté à M. Macron, à Paris.

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Utilisant plusieurs fois ce mot jusqu’ici absent du discours officiel français concernant le Cameroun, M. Macron ajoute que « la guerre s’est poursuivie au-delà de 1960 avec l’appui de la France aux actions menées par les autorités camerounaises indépendantes ». « Il me revient d’assumer aujourd’hui le rôle et la responsabilité de la France dans ces événements », affirme le chef de l’Etat, dans cette lettre datée du 30 juillet.

La démarche s’inscrit dans la lignée des initiatives mémorielles prises par le président de la République sur le rôle de la France lors du génocide des Tutsi au Rwanda ou pendant la guerre d’Algérie, dans l’espoir, désormais ténu, d’apaiser puis de renouveler les relations entre l’ancienne puissance coloniale et les pays africains. Et ce, alors que l’influence de Paris sur le continent est soumise à de multiples vents contraires, au Sahel en particulier.

« Des dizaines de milliers de morts »

« Dès après la seconde guerre mondiale, la France a réprimé politiquement, militairement, diplomatiquement, judiciairement le mouvement indépendantiste, en particulier les militants de l’Union des populations du Cameroun [UPC]. Sous prétexte de “pacification”, elle a organisé le déracinement des populations en les déplaçant dans des camps de regroupement », expliquait l’historienne Karine Ramondy, qui a dirigé les recherches d’une commission franco-camerounaise mise en place en 2022, dans un entretien au Monde publié en février.

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« La guerre a également été menée devant les tribunaux. Entre 1955 et 1958, 2 000 personnes sont condamnées, d’autres emprisonnées arbitrairement et torturées, soulignait Karine Ramondy. Les archives révèlent notamment des violences ciblées sur les femmes, dont certaines étaient enceintes. » « En additionnant les différents chiffres fournis par l’autorité militaire française dans les années où la répression est la plus intense, entre 1956 et 1962, il est possible d’estimer ce bilan officiel à 7 500 “combattants” tués, au minimum, par l’armée française », ajoutait-elle, précisant que « ce chiffre est très en deçà des réalités et ne prend pas en compte les civils » ou encore les personnes « qui sont mort[e]s de leurs blessures ». « Le bilan le plus plausible reste des dizaines de milliers de morts », affirmait-elle.

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Le Monde avec AFP

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