D’un côté, le gouvernement démissionnaire entend, avec la loi « immigration » promulguée le 26 janvier 2024, faciliter l’emploi d’étrangers non européens dans les métiers en tension. De l’autre, il prévoit de sanctionner davantage les entreprises qui recourent à des travailleurs sans papiers, très présents dans ces métiers.

De cette politique de la carotte et du bâton découle le décret publié au Journal officiel le 16 juillet, qui précise les autorisations de travail ainsi que les sanctions prévues en cas d’emploi d’un étranger non autorisé à travailler.

En ce qui concerne la délivrance de permis de travail, le texte stipule que les conditions, qui en excluaient déjà les employeurs condamnés pour des faits de travail illégal ou pour des infractions aux règles de santé et de sécurité, s’appliqueront désormais à leurs donneurs d’ordre, sans considération de taille de l’entreprise. « Les obligations de vigilance existantes se voient renforcées : l’employeur formel du salarié ne peut plus tenir lieu de bouclier pour le donneur d’ordre », commente Emmanuelle Barbara, avocate spécialiste en droit du travail et de la sécurité sociale du cabinet August Debouzy.

Partage des responsabilités

Le groupe La Poste en sait déjà quelque chose, puisque le 5 décembre 2023 le tribunal judiciaire de Paris l’a condamné pour manquement à son « devoir de vigilance » vis-à-vis de ses multiples sous-traitants, dont certains recouraient à des sans-papiers.

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Ce partage des responsabilités n’est pas pour déplaire à une partie du monde patronal. « Le décret va inciter les donneurs d’ordre à choisir des sous-traitants plus respectueux de la réglementation. Et donc contribuer à évincer ceux qui, en recrutant des sans-papiers, déstabilisent les marchés en se livrant à une concurrence déloyale », se félicite Eric Chevée, vice-président chargé des affaires sociales de la Confédération des petites et moyennes entreprises.

Dans ce contexte, c’est surtout la sous-traitance en cascade qui pose question. Ce système est propice à une « dilution des responsabilités qui fait très souvent le lit du travail illégal », reconnaissait, en juin, la Fédération française du bâtiment (FFB) dans ses « dix propositions pour un pacte constructif » publiées à l’occasion des élections législatives.

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Le décret précise ensuite les conditions d’application de l’amende administrative introduite par la loi « immigration » pour les employeurs de sans-papiers. D’un montant maximal de 20 750 euros par salarié concerné, cette amende, qui remplace la contribution spéciale et la contribution forfaitaire versées à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), réprime l’emploi de sans-papiers sous toutes ses formes, mais prend en compte des circonstances atténuantes. Lorsque l’employeur s’est acquitté des salaires et des indemnités dus au salarié concerné, le montant maximal de l’amende est réduit à 8 300 euros, l’employeur pouvant faire valoir qu’il n’a tiré aucune économie du travail illégal.

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