« C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches », disait Victor Hugo et, peut-on ajouter, c’est sur la ruine des comptes publics que sont érigées nombre de fortunes privées. Cette évidence, dont la réalité ne souffre aucune contestation, a été passée par pertes et profits dans le débat sur la situation budgétaire de la France. A quelques exceptions près, l’essentiel de la conversation publique consiste ces jours-ci à savoir comment et dans quelle mesure il faut augmenter les recettes et rogner sur les dépenses, réduisant le champ de l’action politique à un tableur à deux colonnes.

Il y a pourtant dans la pièce un éléphant que la plus grande part des responsables politiques s’emploie à ignorer : le « mur de la dette » est aussi un mur d’externalités négatives sanitaires et environnementales, dont la taille ne cesse de croître et que l’actuel backlash sur la question écologique va contribuer à élever toujours plus.

Au printemps, six chercheurs ont tenté de mettre cette idée sur la table dans une tribune au Monde, mais le gouvernement, de même qu’une majorité de la représentation nationale, y sont restés aimablement sourds.

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Le principe est simple. On nomme « externalités négatives » les dégâts collatéraux d’une activité sur d’autres agents (particuliers, entreprises…), voire sur l’ensemble du fonctionnement de l’économie. Lorsque le régulateur échoue à « internaliser » l’externalité produite (c’est-à-dire à faire payer le responsable), c’est souvent la collectivité qui règle l’addition – que ce soit par le budget de l’Etat, des collectivités locales ou de l’Assurance-maladie. C’est l’incarnation paradigmatique du vieil adage : « Privatisation des bénéfices, collectivisation des pertes. »

Pollutions diffuses

On comprend que cette collectivisation ne va pas s’arrêter de sitôt. La dérive climatique est hors de contrôle et les dégâts déjà colossaux. Selon une estimation de l’assureur Allianz, les 12 journées de canicule de l’été 2025 pourraient avoir coûté à l’économie française environ 9 milliards d’euros, soit 0,3 point de PIB. Or, malgré la certitude de l’aggravation du réchauffement climatique, la tentation est grande de rééquilibrer le budget en rognant sur les investissements destinés à l’adaptation : menaces sur l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), sur les aides à la rénovation énergétique, sur le développement des énergies renouvelables, etc.

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