Ils avaient utilisé, sans autorisation, des réserves d’eau à des fins d’irrigation. Neuf agriculteurs de Charente-Maritime et leurs exploitations ont été condamnés mardi 8 juillet à plus d’un million d’euros d’amende en tout. Le tribunal de La Rochelle a condamné chaque exploitant à 20 000 euros d’amende et chaque entreprise à 100 000 euros, soit un total de 1,08 million.

Ils devront aussi verser solidairement 400 000 euros d’indemnisation à l’agence de l’eau Loire-Bretagne au titre du préjudice écologique, une première selon l’association Nature Environnement 17 qui obtient, elle, 30 000 euros pour préjudice moral. Les mis en cause ont fait appel de ces condamnations supérieures aux réquisitions.

« Le tribunal a prononcé une sanction très lourde mais nous sommes dans un Etat de droit et il n’y a pas de punition collective. On ne condamne pas les gens pour l’exemple », a critiqué l’avocat des agriculteurs, MLaurent Verdier.

« Je suis anéanti. Je n’ai jamais volé, je n’ai jamais rien cassé. Je suis maraîcher, je fournis en local quatre magasins fermiers, j’ai quatre employés et cinq ou six occasionnels », a déploré Francky Héraud, exploitant à Cram-Chaban dans le Marais poitevin, l’un des neuf condamnés. « On va devoir prendre tout ce qu’on a pour payer cette amende disproportionnée », a-t-il ajouté. « Je ne peux pas faire de maraîchage sans eau (…). On ne veut plus d’agriculture, on ne veut plus de nous ? Il faut nous le dire », a-t-il poursuivi.

« Plus de 4 millions de mètres cubes » prélevés

La justice reprochait aux prévenus d’avoir, entre octobre 2020 et mars 2023, puisé de l’eau pour irriguer leurs cultures dans quatre retenues du nord du département. Or, ces réserves dites « de substitution », qui consistent à stocker de l’eau pompée dans les nappes phréatiques en hiver afin d’irriguer en été, avaient été déclarées illégales par le Conseil d’Etat.

« Il n’est pas question de leur faire mettre la clé sous la porte avec ces sanctions financières mais de leur demander de respecter les décisions administratives », avait déclaré la procureure le 22 mai. Selon Nature Environnement 17, les prévenus ont prélevé « plus de 4 millions de mètres cubes », l’équivalent d’un an d’eau potable pour la population de La Rochelle.

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Pour la défense, les agriculteurs étaient autorisés à utiliser les réserves comme « bâche de reprise technique » au printemps et en été : autrement dit, ils ne pouvaient pas y stocker de l’eau mais la faire transiter, dans un temps très court, à des fins d’irrigation. Plusieurs dizaines de retenues similaires fonctionnent ou sont en projet en Poitou-Charentes, où elles alimentent un vif débat sur le terrain et devant la justice. Leurs partisans en font une condition de survie des exploitations face aux sécheresses récurrentes, là où leurs détracteurs dénoncent un « accaparement » de l’eau par l’agro-industrie.

Le collectif Bassines non merci a revendiqué la dégradation, dans le week-end, de quatre réserves situées en Charente-Maritime, Charente et Vendée, pour protester contre la loi Duplomb en cours d’adoption au Parlement. Destinée à « lever les contraintes » des agriculteurs, elle vise notamment à faciliter la construction des réserves d’irrigation. Le syndicat FNSEA, le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, et le préfet de Charente-Maritime ont condamné une action de « sabotage ».

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Le Monde avec AFP

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