Le restaurant A la bonne tablée a habillé ses tables en formica de toiles cirées et ses assiettes de serviettes roses ou bleues. De petites vaches en porcelaine s’y jaugent. Julien T. (il n’a pas souhaité donner son nom), un agriculteur de 43 ans, a fait le déplacement pour la première fois jusqu’au troquet d’Evelyne Sorel. Planté au bord de la rue principale de Mortroux, bourgade aux quelque 300 âmes située dans le nord de la Creuse, l’établissement est, ce vendredi soir de mars, l’écrin d’un dîner pour célibataires.

L’éleveur de bovins est le seul représentant du monde agricole ce jour. Mais les agriculteurs sont d’ordinaire plus nombreux à prendre part aux rendez-vous mensuels organisés par la gérante, ex-patronne d’une agence matrimoniale. Ils représentaient environ 4 % de la population de la Creuse en 2021, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), contre 2 % au niveau national.

Tassé sur sa chaise, Julien T. porte l’air de celui que, tout compte fait, ça ne dérangerait pas de rentrer chez lui, dès à présent, le ventre vide. Mais il a roulé une heure et demie depuis son lieu-dit, à la frontière entre la Haute-Vienne et la Creuse. Alors, tant pis s’il n’y a que quatre femmes présentes ce soir, tant pis aussi si elles ont toutes passé la soixantaine. L’agriculteur passera sa soirée à Mortroux, les yeux souvent baissés sur le verre qu’il fait tourner entre ses doigts encore terreux.

Il vous reste 82.14% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version