Une louve d’Afrique se délecte du nectar des fleurs de « Kniphofia foliosa », dit le « tison de Satan », en Ethiopie, le 6 juin 2022.

Trahi par son museau saupoudré de jaune vif. Ce nez pointu, tirant sur le roux, lui donne un air de renard, mais il s’agit d’un loup d’Afrique (Canis simensis). C’est le canidé sauvage le plus rare au monde, uniquement présent sur les hauts plateaux éthiopiens. L’espèce compte moins de 500 individus, répartis en 99 meutes.

La poudre dorée qui orne son museau provient du pollen d’une fleur aux inflorescences coniques flamboyantes, le « tison de Satan » (Kniphofia foliosa). Pour la première fois, ce carnivore a été observé léchant avec délectation le nectar de ces hautes fleurs. Un comportement décrit dans la revue Ecology du 20 novembre par une équipe du programme de conservation des loups d’Ethiopie.

Certains individus ont été vus visitant jusqu’à trente fleurs lors d’une même prospection. D’où cette interrogation : dans quelle mesure ce loup participe-t-il à la pollinisation de la fleur ? Les chercheurs, par ailleurs, ont relevé des preuves d’apprentissage social de ce comportement, de jeunes loups étant conduits dans les champs fleuris en même temps que leurs aînés.

« Jusqu’à 87 % des espèces de plantes à fleurs dépendent d’un large éventail d’espèces animales pour leur pollinisation, écrivent les auteurs. Parmi les mammifères, les espèces pollinisatrices nectarivores sont principalement représentées par des espèces volantes comme les chauves-souris et, dans une moindre mesure, par certains marsupiaux, rongeurs, primates et petits carnivores. »

Des babouins également amateurs

La thérophilie, c’est-à-dire la pollinisation par des mammifères non volants, ajoutent-ils, pourrait toutefois être plus répandue qu’on ne le pense. En 2015, seulement quatre espèces de mammifères carnivores se nourrissant de nectar étaient recensées, mais, depuis, d’autres ont été découvertes, comme la civette palmiste masquée ou la mangouste grise du Cap.

K. foliosa, qui fleurit en abondance de juin à novembre, attire une grande variété de pollinisateurs, en particulier de nombreux passereaux. Mais les chercheurs ont aussi observé d’autres mammifères consommant le nectar de la plante, notamment des chiens domestiques ou des babouins olivâtres, et même des humains, des enfants de bergers de ces hauts plateaux. La fleur, de fait, présente des caractéristiques susceptibles de favoriser la thérophilie : une structure large et robuste et des organes sexuels (pistils et étamines) extériorisés.

Reste, disent-ils, qu’il est « difficile de déterminer et de quantifier la valeur de ces loups en tant que pollinisateurs ». L’efficacité de la pollinisation pourrait en effet être perturbée par les dommages liés à la collecte du nectar : certains loups, de fait, ont été observés en train de mordre les inflorescences. Relou.

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