Une affiche à l’effigie du général Mamadi Doumbouya, chef de la junte guinéenne, à Conakry, le 30 août 2025.

Quatre ans après la prise du pouvoir par des militaires, les Guinéens sont enfin appelés à voter, dimanche 21 septembre, sur un projet de nouvelle Loi fondamentale visant au retour à l’ordre constitutionnel, mais qui ouvre la voie à une candidature du chef de la junte à une future élection présidentielle, ce que fustige l’opposition, qui appelle au boycott. Ce scrutin est attendu depuis des années par les Guinéens et la communauté internationale. Il ouvre une séquence électorale cruciale dans ce pays dirigé d’une main de fer par le président-général Mamadi Doumbouya depuis qu’il a renversé le président civil élu, Alpha Condé, en 2021.

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Environ 6,7 millions de Guinéens sont appelés à voter, sur une population d’environ 14,5 millions d’habitants, dans ce pays parmi les plus pauvres du monde – malgré ses immenses ressources naturelles –, à l’histoire jalonnée de coups d’Etat et marquée par la violence de régimes autoritaires. Les incertitudes sont nombreuses, car la junte ne dit pas quand les résultats seront publiés, et des doutes persistent sur la participation au scrutin en raison, notamment, du boycott de l’opposition.

Sous la pression internationale, les militaires s’étaient d’abord engagés à rendre le pouvoir aux civils avant la fin de l’année 2024. L’organisation de ce référendum permet à la junte de donner le change aux exigences d’élection de la communauté internationale et des bailleurs de fonds. Les autorités ont annoncé des élections présidentielle et législatives pour assurer un retour à l’ordre constitutionnel avant la fin de cette année, sans donner de date jusqu’à présent. Tout semble indiquer que Mamadi Doumbouya, chef de l’Etat et chef des armées, sera candidat en dépit de sa promesse de ne pas se présenter à une présidentielle et de rendre le pouvoir à des civils.

Création d’un Sénat

« Depuis 2021, le gouvernement a retardé l’organisation de toute élection, mais il semble désormais aller vers un processus de normalisation », explique à l’Agence France-Presse (AFP) Franklin Nossiter, chercheur à l’International Crisis Group. Il souligne que « Mamadi Doumbouya avait explicitement dit, quand il a pris le pouvoir, qu’il ne s’y maintiendrait pas, mais il est assez clair que cela en prend néanmoins le chemin ».

Si elle est adoptée, cette Constitution remplacera la « Charte de la transition » établie par la junte après le coup d’Etat et qui interdisait à tout membre de la junte, du gouvernement ou responsable des institutions de transition de se présenter aux élections. Or cette interdiction ne figure plus dans le projet de Constitution et ouvre donc la voie à une candidature du général. « Les autorités veulent montrer qu’elles sont en train de “refonder” le pays et qu’elles ouvrent une nouvelle ère avec cette nouvelle Constitution ; elles n’ont aucunement l’intention de partir » du pouvoir, relève Franklin Nossiter.

Pour dénoncer la volonté présumée du général Doumbouya de confisquer le pouvoir à la faveur de cette consultation, l’opposition a appelé au boycott du référendum.

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Intitulé « Une nouvelle Constitution, une Constitution qui nous ressemble et nous rassemble », le projet compte 199 articles. Nombre d’entre eux sont progressistes : instauration d’une Haute Cour de justice pour juger les présidents et membres du gouvernement et lutter contre l’impunité, création d’un Sénat pour équilibrer les pouvoirs, valorisation de la parité avec un quota obligatoire d’au moins 30 % de femmes dans les postes décisionnels et électifs.

Chape de plomb

« Les Guinéens aspirent à avoir un pays moderne », estime le premier ministre, Amadou Oury Bah, dans un entretien à l’AFP : « Sur le plan des avancées démocratiques, le projet constitutionnel a pris en compte toutes les revendications qui étaient peu ou prou au sein de la société (…) depuis pratiquement les trente dernières années. »

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Mais ce projet comporte aussi plusieurs points fustigés par l’opposition : en affirmant la nécessité, pour être candidat à une présidentielle, d’« être âgé de 40 ans au moins et de 80 ans au plus » et d’avoir « sa résidence principale » en Guinée, il exclut de fait deux des principaux opposants : l’ex-président Alpha Condé, 87 ans, qui vit en exil à Istanbul, et l’ex-premier ministre et opposant Cellou Dalein Diallo, 73 ans, en exil entre Dakar et Abidjan.

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Le camp gouvernemental du oui et plusieurs ministres ont battu campagne à travers le pays depuis des semaines. Des affiches à l’effigie de Mamadi Doumbouya sont omniprésentes dans la capitale. A l’inverse, la campagne pour le non a été quasi inaudible.

Une chape de plomb s’est abattue en Guinée sur les voix dissidentes, dénoncent les défenseurs des libertés. Depuis la prise de pouvoir de la junte, celle-ci a multiplié les restrictions contre les libertés. Depuis 2022, elle a interdit toute manifestation et a fait arrêter, poursuivi ou poussé à l’exil de nombreux opposants, dont certains sont victimes de disparitions forcées. Le 23 août, la junte a suspendu pour trois mois trois les principaux partis d’opposition. Plusieurs médias ont été suspendus, des journalistes arrêtés, instillant un climat de peur dans la profession.

Le Monde avec AFP

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