
Jugé « historique » par ses signataires et le gouvernement français, l’accord sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie conclu dans la nuit du vendredi 11 au samedi 12 juillet à Bougival (Yvelines) est loin de faire consensus dans l’archipel.
Le texte prévoit la création d’un « Etat de la Nouvelle-Calédonie » au sein de la République, une « nationalité calédonienne » et un partage différencié des compétences, une formulation que certains, sur place, jugent porteuse d’ambiguïtés, voire de divisions.
Du côté du patronat, la présidente du Medef calédonien, Mimsy Daly, interrogée par l’Agence France-Presse (AFP), se montre prudente. Sans commenter le fond, elle estime que l’accord « apporte au moins un espoir de paix et de stabilité », conditions nécessaires à une relance économique. Elle juge cependant le volet économique « un peu léger », même si les axes promus par l’organisation patronale – diversification, relance du nickel, maîtrise des dépenses publiques – y sont repris.
Mme Daly se dit « attentive à la capacité réelle de l’Etat à accompagner financièrement la relance », un peu plus d’un an après les violentes manifestations qui ont fait 14 morts et mis l’économie locale à terre. Le ton est plus sévère du côté de Joël Kasarhérou, président du mouvement citoyen Construire autrement. Il insiste tout d’abord auprès de l’AFP sur « le problème de la légitimité des gens qui ont signé ». Il juge en outre l’accord « mort-né », dénonçant une « mauvaise » réplique des précédents, « sans ambition ni vision ».
M. Kasarhérou regrette aussi que la jeunesse, au cœur de l’insurrection du mois de mai 2024, soit « oubliée ou à peine mentionnée » et critique une « reconduction des ambiguïtés » de l’accord de Nouméa, notamment en ce qui concerne le corps électoral. Il redoute ainsi un « nouveau 13 mai », date du début des émeutes de 2024, si les frustrations ne sont pas traitées.
Une « ligne rouge franchie »
La fracture est également nette dans les camps politiques. Les signataires de l’accord ont d’ailleurs souligné, samedi soir, lors d’une rencontre à l’Elysée avec Emmanuel Macron, la difficulté à faire accepter l’accord dans l’archipel. Le projet y sera soumis à un référendum en février 2026.
Dans un post sur les réseaux sociaux, Philippe Blaise, premier vice-président de la province Sud, a ainsi annoncé publiquement se désolidariser des signataires loyalistes, affirmant avoir découvert le contenu de l’accord « comme tous les Calédoniens ». M. Blaise dénonce une « ligne rouge franchie » avec la reconnaissance d’un « Etat calédonien » et d’une « nationalité distincte », qu’il juge incompatibles avec l’unité de la République.
Côté indépendantiste, plusieurs voix dénoncent un accord signé sans mandat de la base. Sur les réseaux sociaux, de nombreux militants indépendantistes fustigent la signature de leurs représentants. C’est notamment le cas de Brenda Wanabo-Ipeze, l’une des responsables de la cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), incarcérée dans l’Hexagone. « Ce texte, il est signé sans nous. Il ne nous engage pas », dit-elle, ajoutant : « Ouvrir le corps électoral, c’est nous effacer. »
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Sollicitée par l’AFP, Mélanie Atapo, présidente de l’Union des syndicats des travailleurs kanak et des exploités (USTKE) et membre du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), s’est déclarée « surprise », précisant qu’il était « question de continuer les discussions et de revenir partager avec les bases avant toute signature ».
Sous le couvert de l’anonymat, un responsable d’une des composantes du FLNKS, également interrogé par l’AFP, parle de « trahison des positions adoptées lors des conventions ». Il affirme que les négociateurs indépendantistes ont « cédé sur des points essentiels », notamment l’ouverture du corps électoral, sans validation de la part des militants.