Tous les matins, ils viennent se saluer. Après avoir balayé la poussière qui recouvre les pavés, ils installent quelques chaises en plastique en arc de cercle et palabrent en égrenant leurs chapelets. Leurs grosses voix résonnent sous les arcades brunies par les flammes. « On se retrouve pour discuter, c’est tout ! Pour se dire bonjour. Pour le reste, regardez autour de vous, tout est mort, le commerce est mort. La guerre, le régime d’Al-Assad ont tout anéanti. Alep s’est endormie », déplore Mohammed Imad Eddine, dont la famille possédait ici un comptoir de tissu, depuis plus de cent ans.
Chaque jour, c’est le même rituel. Les derniers commerçants du vieux souk d’Alep se retrouvent dans les travées désertes de ce qui faisait autrefois la grandeur de la capitale économique de la Syrie. « On vendait des étoffes alépines à des clients du monde entier, d’Irak, d’Azerbaïdjan, de Jordanie et du Golfe. Les affaires se portaient bien. De jour comme de nuit, on préparait la marchandise pour le lendemain. On vendait tout », poursuit-il en parcourant les ruines de sa vie passée.
Au pied de la citadelle d’Alep, ce labyrinthe voûté de 12 kilomètres de long abritait plus de 4 000 échoppes et une cinquantaine de caravansérails, certains datant de plus de trois cents ans avant J.-C. A l’époque ottomane, le marché d’Alep était l’un des plus vastes au monde. S’y échangeaient des parfums, des épices, des pierres précieuses, de la soie et du coton, autant de denrées acheminées par des caravanes venues d’Inde, d’Iran ou de la péninsule Arabique, qui reprenaient ensuite la direction de Venise ou de Rome, via la Méditerranée.
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