Le président tunisien, Kaïs Saïed, à Pékin, lors d’une cérémonie avec le président chinois, Xi Jinping, le
31 mai 2024.

« J’annonce officiellement ma candidature à l’élection présidentielle du 6 octobre prochain pour poursuivre le combat dans la bataille de libération nationale ». C’est par ces mots que le président tunisien, Kaïs Saïed, a annoncé sans surprise, vendredi 19 juillet, qu’il briguerait un nouveau mandat à la tête du pays.

Parlant depuis la région de Tataouine dans le Sud tunisien, il a affirmé, dans une vidéo diffusée par la présidence, répondre à « l’appel sacré de la patrie ».

« J’appelle tous ceux qui s’apprêtent à parrainer [des candidats] à se garder de toute sorte de malversation », a-t-il ajouté. « Je les appelle aussi à n’accepter aucun centime de la part de personne et s’ils le font, je ne leur pardonnerai jamais ».

Coup de force

Spécialiste de la Constitution, élu démocratiquement en octobre 2019, M. Saïed a accaparé tous les pouvoirs depuis son coup de force de juillet 2021 qui a fait vaciller la jeune démocratie tunisienne née en 2011 de la première révolte du « Printemps arabe ». Après plusieurs mois de blocage politique, le président avait ainsi limogé le premier ministre et gelé le Parlement avant de le dissoudre.

M. Saïed a fait adopter une nouvelle Constitution par référendum à l’été 2022 instituant un nouveau système de deux chambres aux pouvoirs très limités, faisant passer la Tunisie d’un régime parlementaire à un système ultra-présidentialiste qui consacre selon ses détracteurs la dérive autoritaire de M. Saïed.

Depuis le printemps 2023, les principaux opposants ont été emprisonnés, notamment le chef du parti islamo-conservateur Ennahdha, Rached Ghannouchi, et la présidente du Parti destourien libre, Abir Moussi, nostalgique des dictatures du héros de l’indépendance Habib Bourguiba et de Zine El-Abidine Ben Ali, renversé en 2011. Ennahda, bête noire de M. Saïed, a dominé les coalitions des dix années qui ont suivi la révolution de 2011 contre le régime de Ben Ali.

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Un « durcissement de la répression contre l’opposition »

Depuis février dernier, une vingtaine d’opposants et personnalités, qualifiés de « terroristes » par M. Saïed, ont été emprisonnés et sont « accusés de complot contre la sûreté de l’Etat ». Des ONG, dont Amnesty International, ont dénoncé « une chasse aux sorcières motivée par des considérations politiques ».

Lotfi Mraihi, candidat déclaré à la présidentielle, a été condamné jeudi à huit mois de prison et à une inéligibilité à vie, alors que des ONG dénoncent une multiplication des obstacles pour les rivaux potentiels du président Saïed. Chef de l’Union populaire républicaine, un parti de gauche opposé au président, M. Mraihi avait été arrêté le 3 juillet pour des soupçons de corruption financière.

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Plusieurs personnalités politiques ayant annoncé leur candidature sont poursuivies en justice ou en prison comme Mme Moussi. Parmi les autres candidats présomptifs emprisonnés, Issam Chebbi, chef du parti d’opposition Al Joumhouri, arrêté le 25 février 2023 pour « complot contre la sûreté de l’Etat », a retiré jeudi sa candidature faute d’avoir pu obtenir les formulaires de parrainages, selon son parti. Egalement candidat déclaré, l’ancien ministre Abdellatif Mekki, chef du parti Travail et réalisation, et ex-dirigeant d’Ennadha, a été interdit le 12 juillet de quitter le territoire.

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Amnesty International a dénoncé cette semaine un « durcissement de la répression contre l’opposition » en Tunisie après l’arrestation du secrétaire général d’Ennahda, Ajmi Ouirimi, et de deux membres du parti.

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De son côté, l’ONG tunisienne I Watch a dénoncé des « procédures compliquées » pour le scrutin d’octobre, notamment pour les postulants se trouvant en détention préventive, ainsi qu’« une absence méthodique de transparence » de l’Instance organisant les élections (Isie).

Crise politique et difficultés économiques

La grave crise politique que traverse la Tunisie depuis le coup de force de M. Saïed se double de graves difficultés économiques avec une croissance poussive (environ 2 %), un taux de pauvreté en hausse (4 millions de Tunisiens sur 12 millions d’habitants) et un chômage très élevé (15 %).

La Tunisie est, avec la Libye, l’un des principaux points de départ des migrants qui risquent des traversées périlleuses en mer Méditerranée dans l’espoir de rejoindre l’Europe.

Depuis un discours aux accents xénophobes du président Saïed en février 2023, des milliers de ressortissants d’Afrique subsaharienne séjournant illégalement en Tunisie ont perdu leur logement et leur travail le plus souvent informel.

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Le Monde avec AFP

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