Tout est demeuré intact : les meubles Empire, les objets en argent, les bronzes Renaissance, les lustres rococo, les fauteuils en velours. Aux murs, les nus masculins de Gilbert & George, ce fantasque duo de plasticiens britanniques, ou encore le fameux portrait de 1999 du galeriste italien Massimo De Carlo, ligoté avec des rubans adhésifs argentés et exposé comme un tableau par son compatriote et artiste Maurizio Cattelan.

Un matin ensoleillé de février, on ouvre les hautes fenêtres qui donnent sur le Grand Canal de Venise. Quoique froid et immensément vaste, l’intérieur de cet appartement d’un palazzo est resté fidèle à ce qu’il était en novembre 2023, à la mort, à 85 ans, de son propriétaire, le collectionneur, commissaire d’exposition et joaillier italien Attilio Codognato. « C’est comme s’il était juste sorti acheter des cigarettes », confie son fils, Mario, devant les livres d’art laissés en désordre et empilés, consacrés à Michel-Ange, Andy Warhol, Roy Lichtenstein, Jeff Koons…

Le nom des Codognato est connu des initiés pour leurs bijoux baroques en or et pierres précieuses. Dans la salle de bal de l’appartement familial se côtoient un triptyque en carton des années 1970 de Robert Rauschenberg, des sculptures en plaques de feutre de Robert Morris et même un vulgaire balai, à côté de sa reproduction photographique datée de 1965 par Joseph Kosuth.

Après des heures passées à écumer la Biennale, Attilio Codognato s’initia à l’art par ces plasticiens américains des années 1960 et 1970. Pourtant, c’est au Français Marcel Duchamp qu’il revenait sans cesse. Dans le salon de lecture, un mur entier rassemble des œuvres du plasticien, croquis d’urinoirs et lettres manuscrites adressées à André Breton. Ainsi, le jour où il emmena pour la première fois sa fille, Cristina, au Louvre, celle-ci resta stupéfaite devant La Joconde : « Mais papa, où est sa moustache ? »

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