Livre. « Quand une source d’ambiguïté, celle du masculin générique, joue toujours du même côté, elle participe de cette asymétrie linguistique qui contribue à l’invisibilisation des femmes. » Tel est le postulat d’Entre elle et lui. Variations sur les asymétries de genre en français (Editions de l’Aube, 344 pages, 23 euros), un ouvrage dirigé par les chercheuses Anne Le Draoulec et Marie-Paule Péry-Woodley. Cinquante textes d’« argonautes de la langue » composent ce livre aux allures de dictionnaire amoureux. Du scientifique à l’empirique, chaque article invite à repenser nos automatismes langagiers : ils sont symptomatiques de dynamiques sociales solidement ancrées dont il est parfois difficile de prendre conscience.
Au-delà du masculin générique, qui rend indiscernables les cas où les femmes sont concernées de ceux où elles ne le sont pas, les autrices abordent de multiples exemples où le masculin l’emporte sur le féminin : pourquoi l’ordre des mots privilégie-t-il souvent le masculin au féminin – « pour un “travailleuses, travailleurs” volontariste, combien d’“électeurs et électrices” ? ». Comment se fait-il que les femmes soient surreprésentées dans la fonction d’objet grammatical, et les hommes dans la fonction de sujet ? Et pourquoi les mots « fille » et « femme » ont-ils des pendants masculins plus nombreux et plus précis – « garçon » et « fils » pour « fille », « homme » et « mari » pour « femme » ?
« Epais gâteau du mépris misogyne »
Du côté des linguistes, Anne Abeillé propose d’en revenir à l’accord de proximité, rappelant que même le grammairien conservateur Claude Favre de Vaugelas, au XVIIe siècle, écrivait : « Ce peuple a le cœur et la bouche ouverte à vos louanges. » De son côté, le linguiste Christophe Benzitoun s’étonne des polémiques que suscite l’écriture inclusive, notamment le point médian, accusé de rendre la lecture ardue (auteur·rice), quand des procédés typographiques similaires sont utilisés depuis longtemps pour marquer la possibilité du pluriel. « Qui n’a pas croisé dans un formulaire administratif une formule telle que “Déclaration du/des responsable(s) légal/aux » ? », demande-t-il.
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