• Décédé à l’âge de 88 ans le 4 juin 2025, le journaliste Philippe Labro était un vieux compagnon de route de Johnny Hallyday.
  • Dans les années 1970, il avait écrit quelques-unes des chansons les plus sulfureuses du rockeur.
  • Lors de ses obsèques, il lui avait livré un hommage vibrant à l’église de la Madeleine.

Ils s’étaient rencontrés un soir de 1965, dans une boite de nuit de Saint-Germain-des Près, le jeune journaliste attirant l’attention du rockeur car il portait des bottes de cow-boy à talon biseauté made in Texas, introuvables en France l’époque. C’est par leur passion commune de l’Amérique que Philippe Labro et Johnny Hallyday ont noué une amitié qui a duré près d’un demi-siècle. Et une collaboration qui a représenté un virage artistique majeur dans la carrière de l’idole des jeunes. Elle débute en 1970 par un coup d’éclat avec « Jésus-Christ », un 45 tours dont les paroles vont susciter un véritable tollé.

Inspiré par un voyage aux États-Unis, Philippe Labro a imaginé Jésus « barbu et chevelu » qui aime « les filles aux seins nus » et qu’on arrête « pour délit de vagabondage » sur la route de Woodstock. Censuré par l’ORTF, l’objet du délit est retiré des rayons par les disquaires et fait l’objet d’une demande d’excommunication de son auteur et de son interprète auprès du Vatican. N°1 des ventes pendant un mois, « Jésus-Christ » s’écoule tout de même à plus de 400.000 exemplaires. Il figure sur Vie, le 13ᵉ opus de Johnny réalisé par son père de cœur, Lee Halliday. Et dont le journaliste écrit la plupart des textes.

Mouvements sociaux, écologie, crainte du champignon nucléaire… C’est l’un des disques les plus sombres du rockeur, ponctué par les riffs de Mick Jones, le guitariste du groupe américain Foreigner. L’année suivante, rebelote : Philippe Labro s’installe à Londres pour écrire cette fois l’intégralité des paroles de l’énergique Flagrant Délit sur sa machine à écrire. « Cela dure deux semaines. Sans dormir, en déconnant énormément, et sous l’empire de produits pas toujours naturels… Nous vivons alors dans un état second », racontera le journaliste à GQ. « Nous sommes tellement complices que nous avons même laissé croire qu’il y avait quelque chose d’ambigu entre nous ! ».

Entre blues, folk et gospel, ce disque sur lequel figure le mythique « Oh ! Ma Jolie Sarah » sera longtemps l’un des préférés de Johnny. À son retour à Paris, Philippe Labro tombe gravement malade tandis que le chanteur reprend sa course folle dans cette décennie de tous les excès. Mais les deux hommes ne vont jamais se perdre de vue. Jusqu’à « Pardon » sur l’album Sang pour Sang réalisé par David Hallyday, le journaliste aura signé une quarantaine de chanson pour le taulier. Parmi elles, deux inédits intitulés « Reste » et « Waterloo », exhumés début 2024 des sessions de Flagrant Délit par la maison de disques Universal.

Le 9 décembre 2017, lors des obsèques de Johnny à l’église de la Madeleine, Philippe Labro avait livré un hommage puissant à son vieil ami. « Il aimait choisir les mots, les chanter et les dire pour qu’ils atteignent tous les publics. Cet homme, seul capable aujourd’hui de créer un tel moment, de créer une communion populaire, Johnny Hallyday, qui était-il ? », s’était-il interrogé. « Un alchimiste, un voyageur, un aventurier, un combattant, un caméléon, un athlète, un artisan, un artiste, un fédérateur, un inventeur, un solidaire, un rockeur, un amoureux, un biker, un généreux, un père par deux fois, un enfant dans un corps d’adulte et un adulte aux yeux d’enfants. »

« La gloire et la grâce, tel pourrait être le titre du roman de sa vie », avait résumé le journaliste et écrivain, mettant en parallèle les difficultés du chanteur à « l’enfance tronquée, trompée, truquée » et le bonheur qu’il avait su trouver auprès de ses fans, sa famille et ses amis. « À travers les chutes, les rebonds, les excès et les extravagances, Johnny est resté le même homme, comme si la gloire ne l’avait pas fait vaciller ». Malgré « l’empreinte majeure, jamais effacée, de l’abandon paternel dont il fut victime, il a résisté au danger de cette gloire dévoyée, et ce faisant, il s’est construit ».

Jérôme VERMELIN

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