
Après une première réunion, qui s’est tenue à la fin de mai et a été jugée insatisfaisante par le chef de l’Etat, qui avait alors demandé au gouvernement de formuler « de nouvelles propositions », Emmanuel Macron a convoqué un nouveau conseil de défense de la sécurité nationale sur « l’entrisme » des Frères musulmans, lundi 7 juillet.
A l’issue de cette rencontre, le chef de l’Etat a annoncé lors d’un point presse la création de nouveaux outils de sanctions financières et administratives. Il a également souhaité un texte de loi « pour la fin de l’été » et « qui soit applicable en fin d’année ». Il a en outre affirmé qu’il recevrait « à l’automne » les représentants du Forum de l’islam de France (Forif).
Le précédent conseil de défense consacré au sujet avait tourné au recadrage, Emmanuel Macron s’étant agacé que le rapport qu’il avait commandé sur le sujet ait fuité dans la presse avant cette réunion. « Compte tenu de l’importance du sujet et de la gravité des faits établis, il a demandé au gouvernement de formuler de nouvelles propositions », avait fait savoir l’Elysée. L’idée de ce nouveau conseil de défense était « de renforcer les mesures d’entrave telles qu’elles avaient été pensées et voulues dans le cadre de la lutte contre le séparatisme », a expliqué le président de la République lundi lors de son point presse.
Lors de cette réunion, « on a acté la création d’une nouvelle mesure de gel des apports monétaires et financiers », en élargissant ce qui existe déjà en matière de terrorisme, a-t-il détaillé. Emmanuel Macron a aussi annoncé un élargissement du champ des dissolutions administratives, pour l’instant possibles pour les seules personnes morales, et qui pourront concerner les fonds de dotation. Autre mesure actée : un « régime coercitif de dissolution des biens des organisations dissoutes », pour que le tribunal judiciaire, saisi par l’administration, puisse désigner un curateur chargé de procéder à la liquidation.
« Renforcer la formation des imams »
Pour les mesures qui demandent un changement de la loi, Emmanuele Macron « a demandé que les textes soient finalisés (…) dans les semaines à venir » et « qu’on ait un texte pour la fin de l’été », a-t-il ajouté. Son « objectif est qu’on ait un texte qui soit applicable en fin d’année ».
Le chef de l’Etat a aussi demandé un renforcement du régime administratif d’interdiction des ouvrages illicites, « en allongeant le délai de prescription », et avec des mesures de lutte contre la provocation à la discrimination et à la violence.
Le conseil de défense a en outre acté des sanctions administratives « avec des astreintes journalières » pour les associations ayant signé le contrat d’engagement républicain, mais qui n’en respectent pas les conditions. Il a par ailleurs été décidé de « renforcer la formation des imams » pour « vraiment sortir d’une trop grande dépendance avec les pays d’origine ».
Prônant « un discours d’apaisement à l’égard de tous nos compatriotes dont la religion est l’islam » et « qui respectent totalement les règles de la République », le président a aussi annoncé qu’il réunirait « à l’automne » les représentants du Forif.
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La rencontre s’est tenue en fin de matinée à l’Elysée, avait déclaré l’entourage du président à l’Agence France-Presse (AFP), confirmant une information du Figaro, sans autre précision. D’après le quotidien, y étaient attendus le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, sa collègue de l’éducation, Elisabeth Borne, mais aussi la ministre des sports, Marie Barsacq.
Le rapport faisait état d’une « menace pour la cohésion nationale » avec le développement d’un islamisme « par le bas » de la part des Frères musulmans. Née en 1928 en Egypte, la confrérie des Frères musulmans porte le projet d’un islam politique conservateur. Le mouvement a été interdit dans plusieurs pays, comme l’Arabie saoudite, l’Egypte et plus récemment la Jordanie.
Vives réactions politiques
Présentée comme « la branche nationale des Frères musulmans en France », l’association Musulmans de France avait vivement dénoncé des « accusations infondées » et mis en garde contre des « amalgames dangereux ». Le Conseil français du culte musulman (CFCM), ex-instance de représentation de l’islam tombée en disgrâce en 2021, avait, lui aussi, exprimé sa « profonde inquiétude face aux possibles dérives et instrumentalisations des données ».
En France, il existe « dans certains quartiers » des phénomènes d’entrisme « identifiés », avait affirmé Emmanuel Macron dans la foulée du premier conseil de défense, tout en appelant à ne pas « penser qu’il y en a partout, parce que ça peut rendre complotiste ou paranoïaque ». C’est précisément ce que reproche au chef de l’Etat La France insoumise, dont le coordinateur national, Manuel Bompard, a encore dénoncé lundi sur TF1 une volonté de « pointer du doigt les Français de confession musulmane ».
Avant même sa publication officielle, alors que bribes alarmistes du rapport avaient fuité par voie de presse, les politiques ont rivalisé de réactions et de propositions. En premier lieu, Bruno Retailleau – depuis élu président des Républicains –, qui a dit vouloir « s’attaquer aux écosystèmes islamistes ». Les pistes qu’il a avancées prennent la forme d’une réorganisation administrative, avec la création d’un rôle de « chef de file » en matière de renseignement, ou encore d’un « parquet administratif » capable par exemple de prononcer des dissolutions.
Des « mesurettes administratives » rejetées en bloc par la cheffe de file du Rassemblement national, Marine Le Pen, qui a réclamé d’aller « chercher, dénoncer, débusquer, couper les financements, interdire les publications » de cette « idéologie totalitaire ».
Mais l’idée qui avait fait le plus réagir venait de Renaissance. Son secrétaire général, Gabriel Attal, a déclaré souhaiter interdire le voile dans l’espace public pour les mineures de moins de 15 ans, causant des crispations dans son propre camp.