Les droits de douane de 25% sur l’acier et l’aluminium importés aux États-Unis sont devenus effectifs ce mercredi.
Le premier est particulièrement stratégique pour Washington, utilisé pour le bâtiment ou l’automobile.
Une filière notamment déstabilisée par le manque de compétitivité du « vieil acier » face aux recycleurs.
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C’est un matériau stratégique pour les gratte-ciels ou l’automobile. Ce mercredi 12 mars, les droits de douane de 25% sur l’acier importé aux États-Unis sont entrés en vigueur, venant s’ajouter à ceux déjà décidés en février et visant particulièrement le Canada et la Chine. Le but : tenter de relancer un secteur déstabilisé par le manque de compétitivité de la filière historique des hauts-fourneaux face aux recycleurs d’acier. Sont particulièrement visés : la Chine, le Canada, le Brésil, mais aussi l’Union européenne.
La mainmise de la Chine
L’an passé, la planète a produit 1,88 milliard de tonnes d’acier brut, en baisse de 0,9% par rapport à 2023. Plus de la moitié de cette production était issue de Chine (un milliard), le premier sidérurgiste mondial, selon le dernier bilan de l’association World Steel (nouvelle fenêtre) portant sur 71 pays représentant 98% de la production mondiale. Les États-Unis sont le quatrième producteur mondial avec 79,5 millions de tonnes (-2,4%) et le deuxième importateur avec 26,4 millions de tonnes en 2023, derrière l’Union européenne (39,2 millions).
Washington importe en premier lieu son acier du Canada (5,95 millions de tonnes importées en 2024), puis du Brésil (4,08 millions) et enfin de l’UE (3,89 millions), selon les chiffres du ministère américain du Commerce. Le Mexique fournit 3,19 millions de tonnes, la Corée du Sud 2,5 millions, devant le Vietnam, le Japon et Taïwan, tous autour d’un million, et la Chine environ 470.000 tonnes.
Manque de compétitivité
Le problème pour les États-Unis, c’est que son industrie sidérurgique voit sa production baisser d’année en année alors que la production mondiale, au contraire, est largement excédentaire, venue notamment d’Asie, et plus particulièrement de Chine, accusée par les Américains et les Européens de massivement subventionner ses entités. Résultat : la surproduction fait chuter les prix. Selon l’OCDE, l’excédent mondial oscille entre 500 et 560 millions de tonnes, soit environ 2,7 fois la production européenne.
Une donnée qui met en lumière les problèmes du secteur aux États-Unis avec des hauts-fourneaux peu compétitifs, qui produisent de l’acier dit « primaire », le « vieil acier », à base de minerai de fer et de charbon, par rapport à l’acier issu de ferrailles recyclées dans des fours électriques beaucoup moins coûteux. « Les entreprises intégrées à hauts-fourneaux traditionnelles n’ont pas les moyens de financer leur transition énergétique, c’est-à-dire le remplacement du charbon (par du gaz ou de l’hydrogène, ndlr), sans aide massive de leurs États respectifs », assure auprès de l’AFP Marcel Genet du cabinet Laplace Conseil, spécialisé dans l’acier.
De plus, la sidérurgie nord-américaine est maintenue sous tension par la baisse des exportations d’acier depuis cinquante ans, alors que les pays émergents ont développé progressivement leurs filières, notamment au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Aux États-Unis, les douze derniers hauts-fourneaux en service appartiennent à US Steel, basé à Pittsburgh (Pennsylvanie) et Cleveland Cliffs (Ohio). Mais la société, en difficulté, a fait l’objet d’une tentative de rachat par Nippon Steel, bloquée par Joe Biden. Donald Trump, de son côté, a récemment déclaré que Nippon Steel pourrait plutôt « investir » dans U.S. Steel.
Déjà un secteur ciblé lors du premier mandat de Trump
Lors de son premier mandat, entre 2017 et 2021, Donald Trump avait déjà imposé des droits de 25% sur l’acier et de 10% sur l’aluminium. Il cherchait ainsi à protéger l’industrie américaine, mais surtout à cajoler ses électeurs, dont beaucoup viennent de la Rust Belt industrielle dans le Middle West. La mesure avait toutefois eu peu d’impact : les importations avaient baissé de 24% sur la période, selon un bilan de la commission du commerce internationale américaine, mais aucun bénéfice clair n’était apparu ni en termes d’emploi ni en termes de production, avec une hausse des prix pour ce matériau.
Pour ce retour des droits de douane, les industriels se sont même organisés. « Ce qu’on a observé, c’est une anticipation de la hausse des tarifs douaniers, avec une augmentation significative des importations américaines en janvier : +30% pour l’aluminium et +14% pour l’acier, note Simon Lacoume, économiste sectoriel chez l’assureur-crédit Coface. On peut lier cela assez facilement au fait qu’un mois après, on savait qu’il allait y avoir cette hausse des tarifs ».
La mesure a aussi provoqué la colère des grands constructeurs automobiles américains Ford, General Motors et Stellantis (Chrysler, Jeep, Dodge, etc), très implantés au Canada et au Mexique. Ils ont répété mercredi que des droits de douane sur l’acier de ces deux pays augmenteraient « fortement » les prix pour les constructeurs, les fournisseurs et, in fine, les automobilistes.