A l’usine Euroapi de Vertolaye (Puy-de-Dôme), en 2022.

C’est une photo qui devait symboliser l’envol du nouveau champion européen de la souveraineté sanitaire. Entouré de l’état-major d’Euroapi, on y aperçoit, tout sourire, le Belge Karl Rotthier, recruté quelques mois plus tôt pour prendre la tête de cette jeune société, se prêter sous les applaudissements à la traditionnelle cérémonie de la cloche, à l’occasion, ce 6 mai 2022, de l’introduction en Bourse, à Paris, de l’entreprise. Désormais indépendante, l’ex-filiale de Sanofi, dont le laboratoire pharmaceutique demeure actionnaire à hauteur de 30 %, envisage alors un avenir florissant loin du giron de son ancienne maison mère.

Presque deux ans plus tard, les visages joyeux ne sont plus qu’un lointain souvenir. L’ambiance n’est plus tant à la fête qu’à la gestion de crise chez Euroapi. Débarqué en octobre 2023, Karl Rotthier a dû céder son fauteuil de directeur général à un compatriote, Ludwig de Mot, l’ancien patron du sucrier Tereos, qui a pris ses fonctions le 1er mars. Dans la foulée, le comité exécutif a été remanié : un nouveau directeur commercial et un nouveau directeur des opérations ont rejoint les rangs de l’équipe, resserrée « afin de se recentrer et de gagner en efficacité », pour sortir Euroapi du marasme. Car le décollage du fabricant français de principes actifs pharmaceutiques, ces substances qui confèrent aux médicaments leurs propriétés thérapeutiques, a tourné au vinaigre.

Depuis décembre 2022, le groupe ne cesse d’accumuler les déboires et d’enchaîner les volte-face. En l’espace de quinze mois, il a révisé à la baisse ses perspectives financières à court et moyen terme, à quatre reprises. En 2023, la société a ainsi franchi de justesse le cap du milliard d’euros de chiffre d’affaires – un seuil qu’elle ambitionnait d’atteindre dès 2022, lors de son lancement –, malgré des ventes en hausse de 3,8 %.

Dans le même temps, ses pertes se sont aggravées, plongeant de 15 millions à 190 millions d’euros, et sa dette s’est alourdie. Peu réjouissant, le tableau s’est encore assombri le 14 mars, alors qu’une nouvelle communication du fabricant informait de la suspension de l’ensemble de ses perspectives pour l’année 2024, deux semaines seulement après la présentation des résultats annuels de l’entreprise et l’annonce de la mise en place, au cours du deuxième trimestre, d’un vaste plan de restructuration.

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Dépités, les investisseurs, eux, fuient la débâcle. Au grand dam des ex- « sanofiens », qui, réticents au départ à quitter le cocon protecteur du laboratoire, avaient finalement embarqué dans l’aventure, convaincus du potentiel de développement de l’entreprise, et souscrit massivement au plan d’actionnariat proposé par la direction. « Plus aucun investisseur ne veut aujourd’hui entendre parler d’Euroapi. Ceux qui se sont positionnés sont très déçus, ils en veulent beaucoup au management. La société va devoir faire énormément d’efforts pour regagner leur confiance », confie un analyste échaudé. La chute du groupe français sur les marchés est spectaculaire : le titre s’est effondré de près de 80 % depuis 2022, s’installant sous la barre des 3 euros. La société pèse désormais moins de 300 millions d’euros, soit près de quatre fois moins qu’à ses débuts.

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