- L’hypersensibilité se traduit par une intensité émotionnelle accrue, parfois épuisante.
- Se protéger passe par la compréhension de son fonctionnement et la mise en place de limites.
- La psychologue Bénédicte Vassard nous explique quelques gestes à mettre en place pour se préserver.
Une porte qui claque, vous sursautez. Une odeur trop forte vous donne la nausée. La tristesse d’un proche vous impacte. Vous êtes peut-être concerné par l’hypersensibilité, cette prédisposition à ressentir les émotions et les situations de manière très intense. Parfois un peu trop. L’hypersensibilité fatigue parce que le traitement des stimuli extérieurs est plus profond et plus intense. Non comprise, elle peut se transformer en fatigue émotionnelle. Cette dernière se caractérise soit par des sensations exacerbées. Les émotions vont paraître pesantes, trop présentes et avec une sensation d’étouffement. Ou alors, au contraire, une sensation d’anesthésie, un peu comme des symptômes dépressifs et le sentiment de ne plus vraiment ressentir. Si l’hypersensibilité n’est pas une maladie, les personnes qui ressentent trop peuvent mettre en place des gestes pour se préserver. C’est ce que nous explique la psychologue Bénédicte Vassard (nouvelle fenêtre), autrice du livre « Mon hypersensibilité, une force insoupçonnée ».
Pourquoi les hypersensibles sont-ils plus sujets à la fatigue émotionnelle ?
Ce qui caractérise une personne hypersensible, c’est un traitement différent des informations venant de l’extérieur et de l’intérieur. Il est plus rapide et plus profond. Souvent, les hypersensibles ont aussi une réaction plus profonde et plus intense. Quand on est plus touché par le bruit ambiant, par la joie, la honte, la culpabilité ou la tristesse, on va avoir des sensations plus fortes qui peuvent générer du stress ou entraîner des pensées et des ruminations. En tant qu’hypersensible, le monde extérieur ou l’interprétation que l’on en fait va venir impacter plus fortement et faire ressentir les émotions de manière plus intense. On rentre alors dans une espèce de cercle vicieux où on se laisse aspirer par nos émotions, mais également celles des autres. Dans l’hypersensibilité, on est aussi très sensible aux émotions des autres. On va avoir tendance à vouloir prendre en charge et traiter l’émotion de l’autre, alors qu’on n’a pas forcément les ressources.
Apprendre à se connaître et repérer les facteurs et les situations qui vont nous impacter
Apprendre à se connaître et repérer les facteurs et les situations qui vont nous impacter
Bénédicte Vassard
Comment se protéger de la fatigue émotionnelle ?
La première chose est de prendre conscience de ce fonctionnement. Lorsque l’on ignore que l’on ne fonctionne pas comme les autres, que notre sensibilité est plus rude que la moyenne, on ne comprend pas pourquoi on réagit plus fort et pourquoi cela nous impacte de manière plus importante. C’est important d’en prendre conscience et de commencer à mettre en place des choses pour se préserver : apprendre à se connaître et repérer les facteurs et les situations qui vont nous impacter, que ce soit de manière sensorielle, mentale ou émotionnelle.
Si, par exemple, dans un open space, il y a beaucoup de bruit ou de tension entre certains collègues, il ne faut pas hésiter à s’en extraire, ne serait-ce que cinq minutes pour se recentrer, respirer. De même, dans un contexte familial ou amical, il faut pouvoir expliquer que parfois, on réagit plus fort et que ce n’est pas la peine de dire « ne réagis pas comme ça », « tu es trop sensible ». En réalité, plus on se connaît, plus on a la capacité de l’exprimer aux autres et ils vont aussi être un peu plus tolérants. Et c’est aussi plus simple pour trouver des ressources pour potentiellement se préserver.
Cela peut être un isolement momentané, s’entourer de personnes qui ont le même fonctionnement ou participer à des expériences en solo pour se ressourcer. Il est aussi possible de faire des activités qui font du bien à la santé mentale, comme des activités physiques, marcher dans la nature. L’hypersensible peut aussi refuser d’aller dans certains endroits parce que c’est trop bruyant, ne pas voir certaines personnes, apprendre à mettre des limites, trouver un parc plutôt qu’un café bondé. Le but est de ne pas sursolliciter les sens et les émotions.
Cette fatigue émotionnelle peut-elle aussi impacter la qualité du sommeil ?
Oui, parce que c’est un cercle un peu vicieux, mais il y a des exercices que l’on peut mettre en place pour améliorer cette anxiété. On peut, par exemple, dresser une liste de tout ce qui nous stresse dans la journée ou en fin de journée pour se décharger. En faisant cela, c’est comme si on disait à notre cerveau « on ferme ces onglets » ouverts dans notre tête. Pour le cerveau, c’est écrit, il y a une trace quelque part et il sait que c’est prévu quelque part, pour plus tard. L’important, c’est de sortir les choses de la tête, via l’écriture ou en les exprimant à une personne de confiance, parce que tant que les choses sont dans notre tête, elles prennent une propension démesurée, surtout pendant la nuit. Cela ajoute un stress supplémentaire, des ruminations qui provoquent des insomnies ou une incapacité à se rendormir.
« Le monde peut devenir plus hostile pour un hypersensible, il a l’impression de se battre contre tout, tout le temps »
« Le monde peut devenir plus hostile pour un hypersensible, il a l’impression de se battre contre tout, tout le temps »
Bénédicte Vassard
Quelles situations peuvent aggraver la fatigue émotionnelle d’un hypersensible ?
Il y en a beaucoup : les tensions, les conflits, les situations un peu ambiguës vont être des déclencheurs. De même pour le monde dans lequel toutes les actualités sociales, écologiques, politiques. Quand on est trop confronté à toutes ces informations qui sont souvent présentées de manière anxiogène, cela peut venir impacter la sérénité de la personne et la rendre plus vulnérable aux facteurs de stress. Si on surajoute tout cela, cela vient, en effet, créer des perturbations qui vont venir les fatiguer.
Quand un hypersensible rentre dans un restaurant, il va entendre les bruits des portes qui claquent, les bruits de la cuisine, les conversations des autres, il va remarquer les odeurs qui incommodent, le courant d’air de la porte qui s’ouvre et qui se ferme, la tension de la table d’à côté, la tristesse autour. Il le prend pour lui, l’hypersensible le perçoit et cela l’impacte. Plus il est confronté et moins, il a les ressources nécessaires pour décharger sa charge mentale et la charge tout court, surtout s’il n’a pas mis en place des gestes pour se préserver. Et dans ce cas, le monde peut devenir plus hostile pour lui et il a l’impression de se battre contre tout, tout le temps. Par ailleurs, quand on est hypersensible et dans une situation de fatigue, on peut développer un sentiment d’injustice, on se dit « non seulement c’est dur, mais le monde semble s’emballer et les autres me jugent ». C’est important donc de pouvoir en parler à un spécialiste ou à des proches de confiance, notamment quand tout s’emballe, et d’apprendre à faire un petit pas de côté pour se préserver.