« Ecoute, respect et comptes à rendre aux Françaises et aux Français » : c’est ce que Michel Barnier a promis lors de sa déclaration de politique générale, mardi 1er septembre. Il s’engage aussi à « s’appuyer davantage sur le travail parlementaire ». Ces deux bonnes intentions exprimées par le nouveau premier ministre ont immédiatement trouvé une sérieuse limite : le traitement désinvolte, tout à fait en fin de discours, du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. Alors que ce texte porte la grande réforme sociétale du second quinquennat du président de la République, qu’il a été précédé d’une consultation citoyenne et d’un début de débat parlementaire nourri interrompu par la dissolution, le chef du gouvernement entretient le flou sur son avenir.

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Certes, M. Barnier a promis de « reprendre le dialogue avec [l’Assemblée nationale], avec le Sénat, avec les soignants et les associations » au début de 2025. Mais il n’a indiqué ni calendrier précis ni intention claire sur un sujet qui préoccupe nécessairement chaque citoyen. Le projet de loi, dont la première lecture avait été brutalement interrompue en juin, autorise l’euthanasie ou le suicide assisté pour les malades en fin de vie majeurs qui le demanderaient, sous réserve d’une autorisation médicale et sur la base de plusieurs critères.

Ce texte, qui vise à légaliser l’« aide à mourir », soulève des questions cruciales et vertigineuses. Il a déjà été écrit ici que le législateur ne pouvait opérer dans ce domaine que d’une main tremblante. Le souci de ne laisser personne dans la détresse face à la douleur et à la mort doit être mis en balance avec le risque d’introduire un mécanisme favorisant la disparition de certains malades parce que trop âgés, impécunieux ou trop « coûteux ».

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Mais comment balayer d’un revers de main le fait que 90 % des Français se disent favorables à la possibilité d’une aide médicale pour abréger une vie intenable ? Que 75 % des membres de la convention citoyenne aient souhaité que le projet de loi permette ce choix ? Certes, M. Barnier se trouve à présent sous le feu croisé des adversaires − sa famille politique, mais aussi les Eglises et une partie des soignants − et des partisans du texte, dont la ministre de la santé, Geneviève Darrieussecq, qui a appelé à « terminer le travail », et les 180 députés de tous les groupes, sauf ceux de la droite républicaine et du Rassemblement national (RN), qui ont signé une proposition de loi de leur collègue Olivier Falorni (Charente-Maritime, divers gauche) reprenant le texte tel qu’il a été voté en juin.

Alors que chacun constate la rareté des projets législatifs susceptibles de réunir une majorité de députés, alors que monte la crainte d’une déconnexion entre les élus et les préoccupations des citoyens, remettre aux calendes grecques l’examen du projet de loi sur la fin de vie serait incompréhensible. C’est à la représentation nationale de s’emparer à nouveau du sujet et de trancher les lourdes questions qui restent en suspens. Pour cela, il appartient au gouvernement de remettre sans délai le texte sur la fin de vie, qui exige encore de longs débats, à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

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L’absolue nécessité d’un plan de généralisation de l’accès aux soins palliatifs, juste cause souvent brandie par les adversaires du droit à l’aide à mourir comme une alternative alors que les deux sujets sont complémentaires, ne saurait y faire obstacle. Que de tels sujets, portés par l’opinion, soient laissés en plan, ne ferait qu’abîmer un peu plus l’image des politiques.

Le Monde

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