Mal-aimé, mal compris, de moins en moins respecté. Cette accumulation de « mal » et de « moins » à propos de François Bayrou, qui a une haute conscience de sa valeur et réfléchit depuis des années au destin du pays, interpelle. Les Français, de plus en plus critiques, ne comprennent pas ce que le premier ministre a en tête ni où il veut les conduire. Son parti, le MoDem, a du mal à le suivre, notamment quand, à rebours de la réserve attendue, il émet, en tant que citoyen, des doutes sur l’inéligibilité immédiate qui a frappé Marine Le Pen dans le cadre du procès en première instance des assistants du Front national (devenu Rassemblement national) au Parlement européen.
Au sein du couple exécutif, l’Elysée a repris l’ascendant et exerce une pression visible sur celui qui est soupçonné de procrastiner, alors que la foudre trumpiste s’est abattue sur la France et l’Europe. Financement des dépenses militaires, consolidation du modèle social, reconstruction de la souveraineté…, tout est à repenser, alors que le pays, surendetté, doit honorer des remboursements de plus en plus lourds qui obèrent ses marges de manœuvre. Or, rien de substantiel n’est encore sorti des cartons de Matignon ni de l’ordre du jour du Parlement.
Tous ceux qui, dans le bloc central, rêvent d’un destin présidentiel le soulignent en moquant l’enlisement qui menace Matignon. Tous actionnent, par contraste, la figure du sauveur bonapartiste qui, le moment venu, n’aura pas la main qui tremble. Ainsi d’Edouard Philippe, qui, lors d’un congrès de son parti Horizons, a annoncé, le 16 mars, que s’il remportait l’élection présidentielle, il organiserait dans la foulée deux référendums, pour modifier le système des retraites et réorganiser administrativement le pays, et utiliserait les ordonnances pour réformer la justice, l’éducation et la santé.
Expliquer sans relâche
Indifférent à la pression, François Bayrou fait du François Bayrou. Il ne parle que pour s’acheter du temps, comme il l’a encore fait, le 6 avril, dans Le Parisien Dimanche : trois longues pages d’explications et de justifications, dans lesquelles il met notamment en avant le choc économique induit par le relèvement des droits de douane, alerte sur l’effet récessif que le coup de force de Donald Trump risque de produire, mais sans les assortir d’annonce particulière. A l’entendre, les Français ont à peine pris conscience de l’effort qu’ils vont devoir consentir face à l’ampleur de la catastrophe mondiale en train de se produire. Le temps des décisions n’est pas encore venu. Il faut expliquer sans relâche.
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