• Invité sur LCI, le patron du gendarme mondial du nucléaire a estimé que les frappes américaines avaient lourdement endommagé les sites nucléaires iraniens.
  • Mais il a appelé à des expertises sur place pour évaluer leur ampleur, et a exhorté l’Iran à « redonner accès » aux inspecteurs de son agence aux installations touchées.
  • Rafael Grossi a également plaidé pour une « voie diplomatique », soulignant qu’il serait « malhonnête d’affirmer » à ce stade que Téhéran préparait la bombe nucléaire.

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Les dégâts sont indéniables, mais leur ampleur, elle, reste encore à déterminer. Tandis que Donald Trump et son administration se targuent d’avoir « anéanti » les sites nucléaires iraniens (nouvelle fenêtre), le président de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) appelle à la plus grande prudence. « Il faut aller sur place » pour constater les conséquences des frappes américaines du week-end dernier sur les installations, a plaidé ce mercredi 25 juin Rafael Grossi, invité exceptionnel de LCI (nouvelle fenêtre)

Quelques jours après le lancement d’une opération militaire israélienne contre l’Iran, Washington a frappé dans la nuit de samedi à dimanche les installations nucléaires iraniennes de Fordo, Natanz et Ispahan (nouvelle fenêtre), et Donald Trump se félicite depuis d’un « anéantissement total » de ces sites. L’agence onusienne constate de son côté « qu’après les actions militaires, il y a eu des dégâts très importants » sur ces trois sites, qui pratiquaient l’enrichissement d’uranium et sa conversion, a souligné Rafael Grossi. À Fordo notamment, « sans doute » une partie du potentiel a été détruit, a-t-il souligné. 

« Aventureux » de spéculer sur les dégâts des installations

Mais « construire des scenariis différents par rapport à ce qui aurait survécu, je trouve cela aventureux », a-t-il nuancé, notamment en raison de la présence d’installations sous-terraines sur certains sites (nouvelle fenêtre). « Il faut aller sur place, regarder, évaluer quelle est la situation et les dégâts », a appuyé le responsable onusien, qui venait d’avoir un échange « très riche » avec Emmanuel Macron à l’Élysée ce mercredi soir. 

Pour l’heure, « vu l’ampleur et la capacité des moyens » militaires utilisés, on peut « en déduire que les centrifugeuses ont beaucoup souffert, si (elles) n’ont pas été détruites », a-t-il seulement estimé. Mais en même temps, « on ne peut pas exclure » la possibilité d’un déplacement ou de la survie de ces machines, a-t-il toutefois concédé. De manière générale, il n’est par ailleurs pas à « exclure » que du matériel nucléaire ait été déplacé, a-t-il ajouté, sans pouvoir se prononcer davantage. 

L’Iran a des « obligations internationales » vis-à-vis de l’AIEA

Rafael Grossi a par ailleurs appelé Téhéran à « redonner accès » aux inspecteurs de l’AIEA aux sites nucléaires (nouvelle fenêtre), ce dont ils sont privés pour le moment selon lui, tandis que le Parlement iranien a voté pour une suspension de la collaboration du pays avec l’AIEA. Dès le début du cessez-le-feu, il a expliqué avoir écrit au ministre des Affaires étrangères iranien pour regarder qu’elles seraient « les modalités » pour que ces équipes puissent « revenir », mais ce dernier n’a « pas encore » répondu pour l’heure. « Il faut tout visiter », d’autant qu’« il y a des ruines, des décombres », a déploré le patron du gendarme onusien du nucléaire. 

Il a aussi rappelé que l’Iran a des « obligations internationales », tant qu’il « fera partie du traité de non-prolifération ». « Ce n’est pas une histoire de crédibilité, ou de ce que l’AIEA ou moi-même aurait dit à propos de cette crise, (…) ce n’est pas à la carte », a-t-il insisté, se disant « absolument » prêt à aller sur place lui-même, avec ses enquêteurs, dès que le feu vert sera donné.

Des « inquiétudes » sur le « matériel nucléaire », mais pas de preuve de préparation de bombe

Quant aux accusations de Washington et de Tel-Aviv, qui assurent que l’Iran se rapprochait de l’arme nucléaire (nouvelle fenêtre), Rafael Grossi a appelé à « faire une distinction très importante ». « Avoir le matériel nucléaire, c’est important, c’est pour cela qu’il y avait autant d’inquiétudes au niveau international », a-t-il souligné, évoquant un stock d’uranium enrichi iranien à 60%, « une quantité énorme », près du seuil de 90% nécessaire à la conception d’une bombe atomique. « Mais de là à dire qu’ils ont une bombe nucléaire, atomique, non », a insisté le patron de l’AIEA. 

Donald Trump évoquait lui une échéance de « semaines » seulement avant que Téhéran ne puisse atteindre la bombe, des conclusions tirées « à partir d’évaluations qui m’échappent », a poursuivi Rafael Grossi, visiblement sceptique. Il a rappelé avoir déclaré récemment que l’Iran « n’avait pas l’armement nucléaire, ou en tout cas pas un plan systématique (nouvelle fenêtre)« 

Téhéran disposait de « 400 kg d’uranium enrichi », suffisant pour produire « sept ou huit bombes », mais « il faut métalliser cet uranium, ce n’est pas facile », a-t-il pointé, tout en reconnaissant une « ambiguïté » de l’Iran sur ces sujets, qui « ne coopérait pas de la manière nécessaire » avec l’AIEA. Mais malgré tout cela, « ce serait malhonnête d’affirmer » que l’Iran préparait la bombe, a-t-il martelé. 

« Je considère qu’il y avait une voie diplomatique (…) Je ne pourrai jamais dire que la solution était une solution militaire », a encore estimé le patron de l’AIEA. Désormais, et plus que jamais, « la seule solution durable est la solution diplomatique, où il y aura un accord et des règles du jeu que l’on va tous respecter », a-t-il plaidé, insistant à nouveau : « L’opportunité de ce cessez-le-feu, c’est l’opportunité de la négociation » et « c’est le moment de la paix »

M.L.

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