Neuf ans après les attentats du 13 novembre 2015, Fred Dewilde, un des survivants du massacre du Bataclan, a fini par se donner la mort qu’il avait vue de trop près, dimanche 5 mai, a annoncé mardi l’association d’aide aux victimes Life for Paris, dont il était membre.

Graphiste et dessinateur, ce gentil géant aux airs de « colosse bourru » était sorti indemne physiquement de la fosse du Bataclan, où il avait passé deux heures au milieu des cadavres et des mourants, mais le « poison » du traumatisme a fini par le rattraper, écrivent ses proches dans un hommage transmis à la presse.

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Depuis « ce soir funeste du 13 novembre 2015, où il disait qu’une partie de lui était morte », écrit sa famille, Fred Dewilde avait raconté son traumatisme et son lent parcours de reconstruction psychique à travers plusieurs romans graphiques : Mon Bataclan, vivre encore (Lemieux, 2016), La Morsure (Belin, 2018), Conversation avec ma mort (Rue de Seine, 2021) et La Mort émoi (Editions 13 en vie, 2022). A travers ces différents ouvrages, il avait partagé sa rencontre avec la mort qui, il l’ignorait alors, était entrée en lui.

« Son immense appétit de vivre porté par l’amour qu’il donnait autant qu’il recevait, son énergie communicative, son humour décapant, ses œuvres poignantes, ses projets pleins les tiroirs ont été fauchés en une nuit par une pulsion suicidaire insurmontable le rendant sourd à tout avenir. Cette nuit-là, une étincelle a ouvert béantes ses insupportables blessures qui le meurtrissaient depuis tant d’années », écrivent ses proches.

« Nous, sa famille, nous sommes sous le choc et dévastés par la violence avec laquelle ce sournois poison répandu par les terroristes du 13 novembre 2015 l’a implacablement frappé après plus de neuf ans de résistance acharnée. Ils l’ont tué une seconde fois, sans plus de seconde chance de “survie” (…). Mais à travers tout ce qu’il a partagé avec nous, Fred continuera à nous indiquer la voie à suivre : combien l’attention à l’autre panse les plaies, combien la parole libère, combien le respect de l’autre résout les maux, combien la fraternité fait la force. »

Les « balles invisibles »

Fred Dewilde n’est pas le premier survivant du Bataclan à se donner la mort. Deux ans après les attentats qui avaient fait 130 morts au Stade de France, sur des terrasses de café de l’Est parisien et dans la salle de spectacle, Guillaume Valette, lui aussi sorti indemne physiquement de la fosse du Bataclan, avait été retrouvé pendu, le 19 novembre 2017, dans sa chambre de la clinique psychiatrique du Val-de-Marne, où il avait été admis un mois et demi plus tôt. Il a été reconnu de façon posthume, en 2019, comme la 131e victime de ces attaques. Il avait 31 ans.

Pendant le procès des attentats du 13-Novembre, en octobre 2021, son père, Alain, était venu raconter à la barre les deux ans d’enfer vécus par son fils après sa sortie de la fosse : « Guillaume n’a pas reçu de balles dans le corps, mais des balles invisibles, qui l’ont tué, doucement mais sûrementDans les deux années qui ont suivi, son état psychique s’est dégradé, comme une gangrène. »

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« Son histoire me pousse à vous dire que les blessures invisibles devraient être mieux comprises, avait-il insisté. Les attentats génèrent des blessures psychiques si graves qu’elles peuvent pousser au suicide, comme certains soldats revenant des zones de combat. » 

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