Livre. Pilules contraceptives, spéculum gynécologique, test de grossesse ou échographie : au cœur de la vie des femmes, ces « technologies de genre » ont souvent été perçues comme des vecteurs d’émancipation. Dans Gender Tech. Ce que la technologie fait au corps des femmes (Lux, 176 pages, 18 euros), Laura Tripaldi analyse l’ambivalence de ces inventions en montrant qu’elles ont aussi contribué à renforcer différents systèmes d’oppression.

Cet essai, au carrefour entre épistémologie et féminisme décolonial, revisite l’histoire de ces technologies et en explore ses recoins les plus sombres. A la fois chercheuse scientifique et journaliste, l’autrice italienne propose une réflexion exigeante, dérangeante parfois, mais très riche et souvent convaincante.

Son analyse commence au XIXe siècle, lorsque le médecin américain James Marion Sims invente le premier spéculum gynécologique. Ce n’est pas un hasard, démontre-t-elle avec minutie, si ce spéculum fut d’abord testé sur le corps d’esclaves noires. Marquée par le sceau de la violence coloniale, cette technologie est en effet née d’une volonté d’explorer la sexualité féminine comme un nouveau territoire à conquérir. Sous la plume de Laura Tripaldi, cette thèse fait l’objet d’une documentation abondante, caractérisée par le souci du détail et la multiplication d’exemples, tous plus troublants les uns que les autres.

Une oppression systémique

En partant de sa propre expérience, elle révèle ensuite les ambiguïtés de la pilule contraceptive. Au-delà de ses effets secondaires insuffisamment connus, cette technologie fut d’abord un moyen de contrôler les hormones féminines, ces forces obscures qui seraient la cause d’une instabilité émotionnelle. En prétendant renouer avec la « nature » des femmes, la pilule les modèle selon certains critères moraux.

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C’est d’ailleurs dans un souci de « naturel » que les cachets placebos ont été mis en place pour simuler de fausses règles : rien ne le justifie du point de vue médical ! Dans la lignée de la pensée de Michel Foucault, Laura Tripaldi montre comment ces technologies du genre et de la sexualité dictent une vérité – et donc exercent un contrôle – sur le corps des femmes.

« Avant de produire un savoir, la science produit des regards », écrit l’autrice. Des regards d’hommes en situation de pouvoir, peut-on ajouter sans trahir sa pensée. L’exemple des échographies est probant. Si elles ont indéniablement permis un meilleur suivi des grossesses, elles offrirent aussi à la propagande anti-avortement un outil d’une puissance sans précédent. Les images de fœtus ont été instrumentalisées pour montrer qu’avorter n’était rien d’autre qu’un meurtre d’êtres déjà vivants.

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