La sociologue Géraldine Farges et le politiste Igor Martinache, directeurs de l’ouvrage collectif Enseignants : le grand déclassement ? (PUF, 112 p., 11 €) soulignent que face à l’érosion du statut social des professeurs et à l’évolution de leurs conditions de travail, les démissions sont de plus en plus nombreuses.
Votre ouvrage pose la question d’un éventuel « grand déclassement » des enseignants. Ces derniers ont-ils la sensation d’un affaissement de leur statut social ?
Géraldine Farges. Des enquêtes ont été menées sur le statut social subjectif et la perception des enseignants. En France, à la différence de ce qu’on observe dans certains pays, en Asie notamment, leur regard est particulièrement négatif. Ils estiment ainsi que leur statut social est très faiblement valorisé et se sentent mal considérés par la société.
Igor Martinache. Ce constat négatif pourra toutefois être nuancé en fonction de l’origine sociale des enseignants et de leur trajectoire. S’ils sont dans une dynamique de mobilité ascendante, la perception pourra être moins négative que si l’enseignement apparaît comme un choix par défaut.
Cette sensation d’érosion du statut social est-elle confirmée par des faits objectifs ?
Géraldine Farges. Plusieurs indicateurs mettent en lumière un affaiblissement du statut social objectif des enseignants, en premier lieu desquels le salaire. Le constat est clair : les professeurs ont, en moyenne, une rémunération inférieure à celle de nombreux professionnels ayant un niveau d’études équivalent. Autre élément à considérer : la précarisation de leurs conditions d’emploi. Si la majorité des enseignants a le statut de fonctionnaire, on observe depuis quelques années une augmentation du nombre de contractuels. De plus en plus d’enseignants ne sont pas titulaires.
Qu’en est-il des conditions de travail ?
Géraldine Farges. Les enseignants, comme d’autres fonctionnaires, font aujourd’hui face à la mise en œuvre de la « nouvelle gestion publique ». Le travail en classe change, avec l’arrivée de pratiques empruntées au secteur privé. On assiste ainsi à un alourdissement de la charge de travail avec une multiplication des tâches à accomplir et la nécessité de rendre des comptes. Les enseignants doivent démontrer qu’ils ont réalisé le travail attendu. Le suivi des élèves implique, par ailleurs, de remplir de plus en plus de documents.
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