La Cour des comptes dresse un état des lieux critique de la façon dont la France déploie sa politique d’hébergement des sans-abri, à l’ampleur inédite : face à la croissance continue des besoins, l’Etat a multiplié ses crédits par trois en dix ans, pour atteindre 3,2 milliards d’euros en 2023, et le nombre de places a été porté à 334 000. Dans un rapport intitulé « Les relations entre l’État et les gestionnaires de structures d’hébergement », et publié mardi 1er octobre, la juridiction dresse un constat clair : « L’Etat ne s’acquitte pas correctement de sa mission », laquelle consiste à définir une stratégie, puis à « piloter ses partenaires pour s’assurer de la bonne mise en œuvre [de cette stratégie], et de la qualité de la prestation rendue. »

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La stratégie, d’abord. La Cour relève que l’Etat gère « isolément deux parcs distincts pourtant affectés par les mêmes tendances et dont les publics présentent certains liens », avec, d’une part, l’hébergement des demandeurs d’asile, et, d’autre part, l’hébergement généraliste, qui se fonde sur le principe d’accueil inconditionnel des personnes en détresse, et qui représente deux tiers des places.

Elle ajoute que seule une petite partie de cet hébergement généraliste est dévolue à la politique du « logement d’abord », qui ambitionne de faire accéder directement les sans-abri au logement. Mais le parc d’urgence proprement dit, « qui se trouve être le plus en croissance sur la période, ne fait pas l’objet d’une définition d’objectifs stratégiques à la hauteur de son importance », critique la Cour. Elle va plus loin : « Cette politique sur le mode de la gestion d’urgences temporaires a jusqu’à ce jour été pilotée comme si les flux pouvaient s’inverser ou se tarir, alors qu’ils n’ont fait que se consolider et s’intensifier. »

« Une insuffisance chronique de la budgétisation »

Le rapport décline ensuite de nombreuses preuves de cette stratégie de court terme, dénoncée depuis des années par les associations de lutte contre le sans-abrisme ainsi que par les structures, associatives pour la plupart, qui mettent en œuvre l’hébergement pour le compte de l’Etat.

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« Une réelle politique de maîtrise des dépenses d’hébergement ne peut relever, à moyen terme, que d’une diminution des causes de la demande d’hébergement, donc de la réussite des politiques sociales de prévention intervenant en amont. Pourtant les dépenses en matière d’hébergement restent marquées par une volonté récurrente d’afficher une progression limitée des crédits en loi de finances initiale, indépendamment de l’évaluation objective des besoins prévisionnels », note le rapport. S’ensuit « une insuffisance chronique de la budgétisation » au regard des besoins, et ce, depuis quinze ans.

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