Lorsqu’elle dépose sa candidature pour une admission en master de management à HEC, Theint Win Htet semble avoir le profil idéal : études à l’université de New York, stage à la banque birmane CB Bank… Comme elle l’écrit elle-même sur son compte LinkedIn : « Ayant vécu sur trois continents différents, j’ai appris à travailler et à nouer des liens avec des personnes d’origines culturelles diverses, une compétence cruciale pour un travail d’équipe dévoué. » Un profil très recherché par la prestigieuse école de commerce de Jouy-en-Josas (Yvelines), qui aime se présenter comme « un véritable melting-pot », avec ses 994 étudiants en master de management, dont les deux tiers sont étrangers, issus de 67 nationalités différentes.

Sauf que Theint Win Htet est originaire d’un pays visé par de nombreuses sanctions depuis le coup d’Etat de février 2021 et dont l’économie est sous le contrôle de l’armée. Sans que cela éveille le moindre soupçon, l’école de commerce a accueilli l’étudiante à bras ouverts – les deux années de scolarité en master coûtent jusqu’à 53 200 euros – à l’été 2023, sans vérifications supplémentaires.

Quelques mois plus tard, le 31 janvier 2024, l’étudiante de HEC tombe sous le coup de sanctions américaines. Son père, Thein Win Zaw, à la tête du groupe Shwe Byain Phyu Group of Companies (SBPG), est un homme d’affaires qui tire sa fortune de sa proximité avec la junte birmane. Ses entreprises sont accusées par Washington « d’avoir matériellement assisté, financé ou apporté leur soutien financier, matériel ou technologique, ou d’avoir apporté des biens ou services, à MEHL », un conglomérat contrôlé par l’armée birmane. Par le truchement de plusieurs coentreprises, dont certaines se trouvent sous sanctions européennes, SBPG partage, avec les militaires birmans, les bénéfices liés à l’exploitation de bois, à l’importation de carburant ou encore à l’extraction de jade et de pierres précieuses.

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« De nombreux éléments laissent penser que le mode de vie et la scolarité de Theint Win Htet sont financés par de l’argent provenant d’entités ou de personnes sous sanctions », affirme Lily Ravon, avocate au cabinet Bourdon & Associés, saisi par l’ONG Justice for Myanmar (Myanmar est le nom officiel de la Birmanie). A cela s’ajoutent des soupçons de blanchiment d’argent, les fonds provenant indirectement, selon l’avocate, d’activités terroristes au sens du droit européen : la junte birmane est accusée de torture, d’attaques contre les civils, en particulier les minorités ethniques et religieuses, et de détruire les fondations politiques et constitutionnelles du pays.

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