Retrouvez tous les épisodes de la série « “Cold cases” scientifiques » ici.

Avouons-le d’emblée : cette histoire-là ne cadre pas parfaitement avec notre série. Contrairement aux cinq premiers volets présentés cet été, ce mystère scientifique n’a pas été récemment résolu. Un congrès organisé par l’un de ses deux acteurs principaux, le professeur Barry Marshall, fêtera même en octobre, à Perth (Australie), les 40 ans de la première expérience humaine établissant sa découverte.

Pourtant, faites un petit test autour de vous. Demandez à vos amis quelle est la cause de l’ulcère à l’estomac. Pour avoir tenté l’expérience à maintes reprises, nous pouvons vous l’affirmer : la plupart d’entre eux vous répondront « le stress » ou « l’acidité », avec toujours une pointe de doute. Si vous avez des proches ayant souffert de cette pathologie, ils vous fourniront une explication bien différente, cette fois sans la moindre hésitation : « une bactérie ». Peut-être même ajouteront-ils son nom : Helicobacter pylori.

Ainsi va la connaissance. Alors que, depuis quatre décennies, la responsabilité du pathogène a été établie, que depuis près de trente ans, le traitement standard repose sur des antibiotiques, que les auteurs de cette révolution médicale ont été récompensés par le prix Nobel il y a dix-neuf ans, l’immense majorité des gens continue d’ignorer le caractère infectieux des ulcères digestifs et des cancers susceptibles d’en découler. Aussi, nous avons décidé de raconter ce « cold case » devenu historique.

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« Le principal obstacle à la connaissance n’est pas l’ignorance mais l’illusion du savoir », aimait dire le juriste et historien américain Daniel Boorstin (1914-2004). En cette fin des années 1970, la communauté scientifique croit dur comme fer qu’elle sait. Depuis 1586 et les autopsies du médecin italien Marcellus Donatus de Mantoue, elle connaît la nature des blessures internes dont souffrent les victimes : des érosions dans la paroi de l’estomac ou du duodénum – cette partie de l’intestin grêle directement liée à l’estomac. Depuis 1910, elle tient même le coupable : l’acide gastrique. La formule du praticien et chercheur croate Carl Schwarz (1868-1917) s’étale dans tous les manuels de médecine : « Pas d’acide, pas d’ulcère. »

Les traitements d’abord, et les grands moyens

On a donc invité les malades à modifier leur alimentation, à réduire les épices, à éviter l’alcool. On a également constaté que le tabac dopait la pathologie. Au registre des causes possibles, on a ajouté le stress, agent perturbateur de l’équilibre entre l’acide et le mucus qui protège la paroi de l’estomac. En ce XXᵉ siècle baigné de psychanalyse, une origine psychique a été avancée. Ou encore une mystérieuse dimension génétique, l’affection semblant prospérer à l’intérieur d’une même famille.

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