André Chastel n’a pas tari d’éloges à son propos, et il serait difficile de lui donner tort soixante-dix ans plus tard. Dans la nécrologie qu’il consacre à Henri Matisse, mort le 3 novembre 1954 à Nice, dans les pages du Monde, l’historien de l’art, plume du journal du soir, n’a pas peur des louanges. Le « maître de Vence » qui vient de disparaître, à l’âge de 84 ans, était un « révolutionnaire [ayant] la rigueur, la retenue, le calcul d’un classique et le génie des sacrifices ». « Personne n’a su, comme Matisse, réduire l’œuvre peinte, figure ou paysage, à l’essentiel », ajoute-t-il. Et de conclure : « La mort de Matisse, c’est la fin d’un long règne sous lequel il s’est passé tant de choses qu’il n’a plus aujourd’hui ni adversaires convaincus ni héritiers légitimes. »

Des « héritiers légitimes », au sens littéral, il en avait pourtant. La même nécrologie précise ainsi : « On attend les deux fils du peintre, Jean, sculpteur à Paris, et Pierre, propriétaire d’une galerie de tableaux à New York, qui doivent arriver aujourd’hui à Nice par avion. » L’article ne mentionne pas Marguerite, née quelques années avant ses frères d’une union hors mariage avec Caroline Joblaud, une des modèles du peintre.

Depuis soixante-dix ans, la descendance de Matisse gère l’œuvre tentaculaire d’un artiste qui, de ses débuts, en 1890, à ses derniers jours, aura tout expérimenté : couleurs, formes, matériaux. Marguerite eut un enfant, Claude. Son frère Jean n’aura aussi qu’un fils unique, Gérard. Le marchand Pierre eut trois enfants. Dont Jacqueline (futur Monnier), qui en eut quatre à son tour, et Paul, qui en aura sept. Et la parentèle n’a cessé de s’agrandir. Si bien que, depuis le patriarche, la dynastie a connu quatre générations d’héritiers, et qu’ils sont aujourd’hui une vingtaine, répartis entre la France et les Etats-Unis.

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