Un crime a été perpétré dans la mosquée de la commune de La Grand-Combe (Gard), le 25 avril, coûtant la vie à un citoyen musulman ordinaire, Aboubakar Cissé, dans des conditions particulièrement atroces. Ce qui lui est arrivé aurait pu arriver à n’importe quel autre musulman, ce qui en amplifie d’autant plus la portée et la gravité. Le forfait a été filmé par son commanditaire, dont les propos, à la fois explicitement virulents et ouvertement antimusulmans, ont été délibérément enregistrés. Tout porte donc à croire que l’objectif était de diffuser largement ce message empli de haine. A ce stade des informations disponibles, il est légitime de qualifier cet acte d’assassinat à caractère islamophobe ou antimusulman.

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L’honnêteté intellectuelle impose de le reconnaître d’emblée, en nommant les choses avec justesse, sans détour ni euphémisme. En tant que chercheur engagé depuis plusieurs années dans l’étude de l’islamisme en contexte arabe et sur les rapports entre islam et politique en France, deux éléments me paraissent devoir être interrogés, tant ils cristallisent cette culture et cette politique du soupçon qui pèsent lourdement sur la perception des musulmans et sur leur place dans la société : d’une part, dans quelle mesure ce drame était-il prévisible, sans pour autant occulter les contingences liées au parcours personnel de l’auteur, encore à éclaircir ; d’autre part, que révèlent en profondeur les polémiques récurrentes autour du mot « islamophobie », avant comme après ce meurtre survenu dans le Gard ?

Depuis au moins une décennie – notamment à partir des attentats de janvier et de novembre 2015, puis plus encore depuis le discours du président Macron aux Mureaux (Yvelines) en 2020 –, l’attention de l’Etat ne se focalise plus uniquement, et à juste titre, sur les djihadistes ou les fauteurs de troubles se réclamant de l’islam. Elle vise désormais aussi des musulmans dits « visibles » ou « conservateurs » et des cadres associatifs, parfois critiques des institutions ou des politiques publiques, dans une lecture à penchant identitariste. Le voile, en particulier, fait l’objet d’une stigmatisation persistante de la part de hauts responsables publics.

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