Condamné à dix ans de prison pour avoir violé une jeune fille de 13 ans, un homme a été remis en liberté faute de date du procès en appel.
En cause, l’engorgement de la justice faute de moyens et de magistrats.
Une situation qui révolte la mère de la victime.

La mère de famille peine encore à réaliser. L’homme condamné à dix ans de prison pour avoir violé sa fille, alors âgée de 13 ans, est libre. « Je me suis crue dans un cauchemar, je me suis dit que ce n’était pas possible, quelqu’un qui a été condamné, qu’on laisse comme ça. J’ai le sentiment que tout ce que j’ai fait, la bataille que j’ai menée avec ma fille, ça n’a servi à rien, il est libre », déplore la mère de la victime. 

Condamné l’année dernière, l’homme a fait appel et a été placé en détention provisoire. La justice avait alors un an pour organiser un nouveau procès mais le délai a expiré. L’homme a donc été libéré sans aucune contrainte. Il ne fait pas l’objet d’un contrôle judiciaire : « C’est la victime qui est dans l’obligation de se cacher maintenant, surtout qu’il sait où j’habite, je n’ai pas déménagé. Il n’y a aucune interdiction, il n’a pas de suivi, il n’y a rien. Il est libre de faire ce qu’il veut »

« Il peut quitter le pays, c’est scandaleux »

Un second procès doit tout de même se tenir en juin 2025, mais l’avocate de la famille craint que l’homme ne se présente pas. « Est-ce qu’il y aura de la pression par rapport à la famille, par rapport à un risque de récidive, que ce soit pour notre cliente ou pour une autre personne ? Et il peut quitter le pays, et ça, c’est scandaleux », raconte Maître Mariam Touré, avocate des parties civiles. 

De son côté, l’avocat de la défense s’étonne, lui aussi, qu’aucune date n’ait été trouvée dans le délai prévu par la loi : « On a indiqué qu’on voulait une date d’audience antérieure, une date beaucoup plus rapprochée, parce que nous avions hâte de faire valoir nos arguments, encore une fois, devant la cour d’assises, mais on n’a jamais eu de date d’audience », explique Maître Tarek Koraitem. 

Ce dossier n’est pas un cas isolé. Trop peu de magistrats, manque de moyens… Aujourd’hui, il y a près de 4000 affaires en attente d’être jugées, soit deux fois plus qu’il y a cinq ans. Des cours criminelles départementales ont pourtant été créées en 2023 pour juger les cas les plus graves rapidement. 

En théorie, elles devaient désengorger les tribunaux, sauf qu’en pratique, elles mobilisent encore plus de magistrats, selon les syndicats. « Les chambres de l’instruction vont être obligées de privilégier les dossiers des gens qui sont considérés comme étant les plus dangereux par rapport à ceux qui sont un peu moins dangereux, sachant qu’on est déjà à un niveau de dangerosité élevé », confie Ludovic Friat, président de l’union syndicale des magistrats. À peine nommé garde des Sceaux, fin décembre, Gérald Darmanin s’est emparé du sujet. Il a affirmé vouloir renforcer les effectifs des greffiers et des magistrats. 


Marianne LEROUX | Reportage : Léa Merlier, Guillaume Chièze, Marie Belot

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