Aux États-Unis, le bilan des terribles incendies qui ravagent Los Angeles s’est alourdi à 24 morts.
La végétation très sèche de la zone et les vents violents ont amplifié les feux.
Mais c’est aussi le manque d’adaptation de la ville à ce type d’événements extrêmes qui explique l’ampleur des dégâts.

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Notre planète

Vingt-quatre morts, 180.000 personnes déplacées, entre 135 et 150 milliards de dollars de dégâts et des quartiers entiers de Los Angeles rayés la carte… le bilan des incendies qui ravagent la Californie depuis une semaine est terrible. Et la situation pourrait s’aggraver dans les jours qui viennent, avec des vents chauds et secs qui vont regagner en puissance d’ici à mercredi.

Si l’origine du départ de feu n’a pas encore été identifiée, plusieurs éléments expliquent la rapide propagation des flammes et la difficulté à contrôler ces feux. Dans cette zone, l’alternance de pluies intenses de janvier à juillet 2024 puis d’une longue période de sécheresse a favorisé le développement d’une végétation abondante, mais très sèche, qui a servi de carburant aux flammes. Celles-ci ont par ailleurs été attisées par les « vents de Santa Ana », qui ont soufflé jusqu’à 160 km/h la semaine dernière, du jamais vu depuis 2011 selon les services météorologiques américains. Ces vents assèchent davantage encore la végétation et font voyager les braises d’une zone à l’autre, facilitant l’embrasement. 

+25% de risque incendie en raison du changement climatique

Si des études plus précises doivent encore être menées, les chercheurs de ClimaMeter (nouvelle fenêtre), qui étudient l’attribution de phénomènes météo extrêmes au changement climatique, estiment que ces incendies « ont été alimentés par des conditions météorologiques renforcées par le changement climatique induit par l’homme« .

Et la situation géographique de la Californie, de même que sa géologie, augmentent sa vulnérabilité au changement climatique. Selon une étude publiée dans Nature (nouvelle fenêtre) en 2023, le réchauffement augmente de 25% le risque d’incendies rapides dans cet État du sud.

L’angle mort de la politique climatique : l’adaptation

Mais ce ne sont pas les seules raisons qui expliquent l’ampleur du drame. Plusieurs chercheurs ont ainsi dénoncé le manque d’adaptation de la ville aux conséquences du changement climatique. Le sujet de l’adaptation est en effet le parent pauvre des politiques climatiques : pendant de nombreuses années, les efforts ont été mis sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, sans prendre en compte la nécessaire adaptation des territoires. Pour certains, s’adapter, c’est renoncer à lutter contre le changement climatique. 

Or, l’adaptation est nécessaire puisque quels que soient les efforts mis en place pour lutter contre le changement climatique, le réchauffement se poursuivra en raison de l’inertie climatique (le temps de réaction de la Terre aux efforts de réduction de gaz à effet de serre dans l’atmosphère).

Ces dernières années, des États, des régions, des villes ont toutefois accéléré sur le sujet : la France, par exemple, a présenté un plan national d’adaptation au changement climatique, censé permettre d’anticiper un scénario de réchauffement à +4 degrés à l’horizon 2100. 

Des constructions en lisière des forêts

À Los Angeles, si des leçons ont été tirées des incendies de l’année 2018 (105 morts) et du « Dixie fire » de l’été 2021 – avec, par exemple, un système d’alerte à la population, permettant de connaître précisément le déplacement des feux et d’évacuer en fonction -, les efforts d’adaptation à ces nouvelles conditions climatiques n’ont pas été suffisants.

D’abord, en raison de l’urbanisation galopante de la zone. Ces dernières années, de très nombreuses maisons ont été construites à l’orée de la forêt, avec deux conséquences : d’abord, le risque d’incendie augmente, car bien souvent, les feux sont d’origine humaine (mégot de cigarette jeté dans la nature, par exemple) ; ensuite, ces logements, souvent en bois, offrent du carburant aux flammes. 

Ces zones résidentielles en lisière de forêt, les « wildland-urban interface » en anglais, sont particulièrement vulnérables en cas d’incendies. Or, près de la moitié des habitations de l’État de Californie sont situées dans ces zones à risque. Ces constructions en bois, plébiscitées pour leur côté « nature » et leur insertion dans l’environnement, partent en fumées en cas d’incendies violents. 

Cela explique les images de désolation diffusées dans le monde entier : les maisons sont littéralement rayées de la carte. D’autre part, ces maisons, alignées les unes à côté des autres, empêchent un débroussaillage efficace, qui permet de réduire le risque incendie. Pour toutes ces raisons, les assureurs ont d’ailleurs refusé de renouveler les contrats de près de 3 millions de propriétaires en Californie entre 2020 et 2023. 

La rareté de la ressource en eau : comment s’adapter ?

Dans la « boite à outils » que constituent les politiques d’adaptation au changement climatique se trouvent notamment des solutions architecturales et urbaines pour préparer les villes à ce type d’événement et améliorer leur résilience. Il peut s’agir de constructions sans matériaux inflammables, mais aussi plus globalement de repenser les plans d’urbanisation. 

Par ailleurs, le maillage routier combiné à l’essor de la démographie rendent toute évacuation complexe, de même que tout accès des pompiers aux zones de départ de feux.

Ensuite, la gestion de l’eau est un autre problème dans un territoire marqué par des épisodes de sécheresse : le niveau du lac Mead, qui approvisionne une partie du sud de l’État de Californie, est par exemple régulièrement très bas. Historiquement, la gestion de l’eau a toujours été complexe dans cette zone aride. 

Mais ce problème a été renforcé par l’urbanisation et le développement de la démographie : davantage d’habitants, c’est davantage de besoins en eau. Le changement climatique suppose la mise en place d’une nouvelle logistique adaptée à la raréfaction de la ressource combinée au risque accru d’incendies.

Enfin, plusieurs journaux américains, dont le New York Times (nouvelle fenêtre), ont souligné la vétusté du réseau électrique et le manque d’adaptation des lignes et poteaux à ces nouvelles conditions climatiques. 

« Je n’aurais jamais pensé qu’une mégapole comme Los Angeles puisse être le théâtre d’incendies d’une telle ampleur », réagit le climatologue Robert Vautard, co-président du Giec. « Il s’agit d’un signal pour d’autres villes dans le monde dont la vulnérabilité à ce type de risque est bien plus élevée que celle de Los Angeles. »

« Des études sont absolument nécessaires pour bien comprendre les causes de cette catastrophe, résultant probablement d’effets combinés : vents extrêmes, sécheresse, ressource en eau, urbanisation, etc », poursuit-il. Le prochain rapport du Giec, attendu en mars 2027, traitera précisément du sujet du changement climatique dans les villes, et la nécessaire adaptation à ces risques.

Avec un doute, l’adaptation est-elle toujours possible ? Pour Robert Vautard, ces incendies appellent en effet « à évaluer les limites de l’adaptation, c’est-à-dire les conditions dans lesquelles l’adaptation deviendrait tout simplement impossible. » À Los Angeles, certains plaident déjà pour ne pas reconstruire à certains endroits, désormais jugés trop sensibles.


Marianne ENAULT

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