En voyage à l’étranger lorsque les incendies ont démarré, la maire de Los Angeles Karen Bass est la cible de vives critiques.
Première femme élue à la tête de la ville en 2022, elle se voit également reprocher une baisse du budget des pompiers.
Ce vendredi, elle a promis de reconstruire au plus vite, même si Donald Trump rêve déjà qu’elle perde son poste.

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Incendies en Californie : Los Angeles encerclée par les flammes

Avant de devenir la première femme maire de Los Angeles, Karen Bass avait attiré l’attention des médias américains à l’été 2016. Élue à la chambre des Représentants, cette titulaire d’un Bachelor en sciences de la santé de l’Université de Californie avait réclamé une évaluation psychiatrique du candidat républicain Donald Trump, estimant notamment que « son manque de contrôle de ses émotions » était un danger pour les États-Unis. Est-ce un hasard si depuis le début des incendies, elle est la cible des partisans du président élu ?

À 71 ans, Karen Bass a consacré toute sa carrière ou presque à Los Angeles, ville où elle a grandi dans le quartier cosmopolite de Fairfax dans les années 1960. Fascinée par le mouvement des droits civiques, cette fille d’un facteur et d’une mère au foyer est volontaire dans la campagne électorale de Robert Kennedy en 1968 et milite au sein des mouvements pro-cubains, visitant l’île à huit reprises dans les seventies. Après avoir étudié la philosophie, elle s’oriente vers une carrière médicale tout en s’investissant dans la vie associative. 

Elle a failli être la vice-présidente de Joe Biden

Dans les années 1990, Karen Bass fonde Community Coalition, une association qui lutte pour améliorer les conditions sociales et économiques des quartiers pauvres du sud de Los Angeles, gangrénés par le crime et la toxicomanie. Un engagement que prolonge son entrée en politique au début de la décennie suivante. En 2008, elle entre au Parlement de l’État de Californie avant d’être élue six fois de suite à la Chambre des représentants à partir de 2010.

En 2020, ce profil atypique attire l’attention de Joe Biden, en quête d’une vice-présidente dans la course à la Maison-Blanche. Karen Bass figure sur sa short-list. Mais il lui préférera Kamala Harris, une autre élue de Californie qu’elle connaît bien. Deux ans plus tard, cette dernière lui apportera son soutien sans faille lorsqu’elle se présentera à la mairie de sa ville natale.

En 2022, Karen Bass devenait la première femme maire de Los Angeles. – AFP

Le 8 novembre 2022, Karen Bass est élue face au promoteur et milliardaire républicain Rick Caruso avec 52,5% des suffrages. Elle devient la première femme maire de Los Angeles, et seulement la deuxième personnalité noire après le populaire Tom Bradley de 1973 à 1993. Le défi est de taille dans une ville où les paillettes de l’industrie du divertissement côtoient une pauvreté grandissante.

« Je vous promets que nous serons opérationnels dès le premier jour« , lance-t-elle le soir de son élection. Des mots qui lui reviennent aujourd’hui comme un boomerang en raison d’un timing pour le moins malheureux. Au moment où les flammes commençaient à ravager Los Angeles, Karen Bass était en effet au Ghana, au sein d’une délégation présidentielle venue prendre part à l’investiture du président John Dramani Mahama.

Une coupe budgétaire qui passe mal

De retour à Los Angeles le 8 janvier, Karen Bass est prise à partie à sa descente d’avion par un journaliste de la chaîne SkyNews. « Devez-vous des excuses aux citoyens pour avoir été absente lorsque leur maison était en train de brûler ?« , lui lance-t-il. Impassible, la maire septuagénaire reste sans voix, comme on peut le voir dans la vidéo en tête de cet article. Pas un mot non plus à propos de la coupe de 17 millions de dollars imposée au budget des pompiers de Los Angeles à l’été 2024, compensée toutefois par une hausse annoncée des salaires et des prestations sociales.

Dans un mémo datant de décembre, leur patronne Kristen Crowley estimait que cette décision a entamé les capacités opérationnelles de ses équipes « dans une certaine mesure« . Ce qu’elle n’a pas manqué de rappeler ces dernières heures sur les plateaux de télé, fournissant un carburant inespéré aux adversaires politiques de Karen Bass. À commencer par Elon Musk, la jugeant « totalement incompétente » dans un post cumulant 26,5 millions de vues sur le réseau X.

Depuis 24 heures, la maire a (enfin) sorti le bleu de chauffe, multipliant les apparitions sur le terrain, amplement relayées sur les réseaux sociaux. Lors d’une conférence de presse ce vendredi, elle s’est engagée à « reconstruire de manière féroce » une fois que les incendies seront maitrisés. « La paperasserie, la bureaucratie, tout ça doit disparaître« , a-t-elle lancé. « Nous ne nous appuierons pas sur les vieilles méthodes de travail. Nous remuerons le système et nous irons de l’avant avec de nouvelles stratégies et de nouvelles politiques. »

Dans le combat qui commence, Karen Bass a reçu le soutien bienvenu de Joe Biden qui a annoncé la veille que le gouvernement fédéral financerait à 100% durant 180 jours les dépenses d’urgence de l’État de Californie. Qu’en sera-t-il après le 20 janvier, date de l’investiture de Donald Trump ? A priori, le président-élu ne pourra pas revenir sur les engagements de son prédécesseur. Mais comme le gouverneur Gavin Newsom, Karen Bass sait que l’homme d’affaires républicain fera tout ce qui est en son pouvoir pour lui faire perdre son poste lors des élections locales qui se profilent en 2026.

Loin de l’euphorie de la préparation des JO de 2028 – elle était au Stade de France l’été dernier pour la clôture des Jeux Paralympiques – Karen Bass se sait attendue au tournant dans les prochaines semaines. D’autant plus que l’hégémonie du Parti démocrate sur la Californie n’est plus aussi flagrante que par le passé. En 2020, Joe Biden l’avait remporté avec 64,62% des voix face à Donald Trump. En novembre dernier, Kamala Harris n’obtenait plus « que » 58,5% des suffrages.


Jérôme VERMELIN

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