Le huis clos a été imposé, vendredi 20 septembre, au procès d’un grand-père jugé à Bourg-en-Bresse (Ain) pour inceste, notamment sur sa petite-fille qui avait dénoncé les faits grâce à une boîte aux lettres Papillons installée dans son école.

Ce huis clos est une déception pour les parties civiles. Aujourd’hui âgée de 13 ans, la petite-fille de l’accusé, jugé pour viol et agressions sexuelles, s’est effondrée à l’annonce de la décision ; tout comme ses deux cousines, l’une désormais majeure, elles aussi victimes dans ce dossier jugé vendredi et lundi.

« Ça fait deux ans qu’on se bat pour que tout soit dit, pour que rien ne soit caché aux gens », a déploré auprès de l’Agence France-Presse (AFP) le beau-père de la jeune fille qui, en juin 2022, avait brisé le silence. « C’est une première victoire pour l’accusé », a-t-il amèrement ajouté.

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A l’ouverture de l’audience, les avocates des parties civiles ont pourtant plaidé que les débats restent publics, un « besoin » pour les jeunes filles de « porter leur parole », selon Séverine Debourg, avocate de la famille des deux cousines.

Mais face aux réticences du ministère public et de la défense, s’inquiétant du récent emballement médiatique autour de l’affaire et craignant une « deuxième audience en dehors de cette salle », selon l’avocate de l’accusé, Marie Audineau, la cour a choisi d’imposer le huis clos. Pour son président, Antoine Molinar-Min, il est « nécessaire pour assurer la protection de ces mineures, y compris contre elles-mêmes ».

« Elle s’est sentie libre à ce moment-là »

Cette affaire a été particulièrement médiatisée en raison de la nature du canal utilisé par la petite-fille pour dénoncer ce que son grand-père lui faisait subir depuis deux ans.

Elle a 10 ans lorsqu’une boîte aux lettres de l’association Les Papillons, visant à libérer la parole des enfants victimes de violences, est installée dans son école primaire, à Vonnas (Ain).

Le jour même, la fillette décide de sauter le pas et glisse dans la boîte aux lettres un petit mot sans équivoque. « Il me toucher la parti du bas et la parti du haut et aussi il métait sa partie du bas dans ma parti du bas et moi j’ai essayé de menlever mai il voulait pas [sic] », écrit l’enfant, selon le texte que l’AFP a pu consulter.

« C’était trop lourd à porter, elle souffrait beaucoup », a expliqué Stéphanie Garcia, avocate de la famille de la petite-fille. Dans le cadre familial, « sa parole était verrouillée », mais « elle s’est sentie libre à ce moment-là », a-t-elle précisé.

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Jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle

Rapidement, des psychologues de l’association, chargés de consulter les mots déposés par les enfants, font un signalement au procureur. L’enquête révélera que les faits se produisaient au domicile des grands-parents de l’enfant lorsque la grand-mère était absente.

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Autre partie civile au procès, cette dernière a toujours assuré n’avoir jamais rien su des agissements de son mari, qu’elle a qualifié de « monstre », selon son avocate, Clémence Guérin.

En garde à vue, le grand-père, aujourd’hui âgé de 73 ans, a reconnu les attouchements sur sa petite-fille mais nie l’avoir violée. Il est aussi poursuivi pour agressions sexuelles sur les deux cousines. Il encourt jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle.

Selon le dernier rapport de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année en France.

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Ce procès est une grande victoire pour l’association Les Papillons, qui recense 350 boîtes aux lettres en France, des écoles primaires aux lycées. Une « preuve que les enfants attendent qu’on leur tende la main », selon son président, Laurent Boyet.

Le Monde avec AFP

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