Placé en garde-à-vue hier dans la prison de Vendin-le-Vieil (Nord), le braqueur a été relâché faute de preuves.
Le scénario qu’il est soupçonné d’avoir imaginé pour s’évader, dont TF1 a pris connaissance, est digne d’un film d’action.

« Je suis un drogué de la liberté, je l’assume et ça me consume. Je n’arrive pas à guérir. » Rédoine Faïd ne ment pas quand il prononce ces mots en septembre 2023 devant la cour d’assises de Paris. Ce jour-là, le gangster est jugé pour s’être évadé de façon spectaculaire, par hélicoptère, quelques années plus tôt de sa prison en Seine-et-Marne. Une évasion qui lui coûtera 14 années de détention supplémentaires… et qui nourrira en lui une nouvelle envie de s’échapper ?

C’est depuis longtemps la conviction des enquêteurs, lancés dans le passé aux trousses de cette figure du grand-banditisme, qui a réussi « l’exploit » à deux reprises pendant son parcours carcéral de s’évader, avec chaque fois un culot colossal. 

Preuve en est son placement en garde-à-vue par la police judiciaire des Yvelines, mardi 7 janvier, au sein même de la prison de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) où le malfaiteur multi-récidiviste du plateau de Creil (Oise) est actuellement incarcéré. Car Rédoine Faïd semblait ces derniers temps obsédé à l’idée de quitter sa cellule, peu importe la violence nécessaire, peu importe le coût faramineux de l’opération.

Première alerte en 2021

La première alerte est tirée le 10 septembre 2021. L’administration pénitentiaire remonte ce jour-là à la justice des faits inquiétants concernant Faïd, un des détenus les plus sensibles et surveillés de France. D’après le récit des agents, le père de famille serait en train de fomenter un vaste projet de corruption de surveillants, des fonctionnaires qui seraient ensuite chargés d’introduire en toute illégalité des explosifs jusque dans sa cellule. 

L’opération, coûteuse, serait financée par un co-détenu, Kevin D. Soupçonné d’être l’une des plus importantes figures du trafic de drogue en France, ce suspect purge alors une peine de 22 ans de prison dans la maison d’arrêt seine-et-marnaise de Réau… d’où Rédoine Faïd s’est échappé en 2018 par les airs grâce à plusieurs membres de sa famille armés jusqu’aux dents. 

« Mais l’enquête ne donnera rien », raconte un « limier » de la police judiciaire. Écoutes téléphoniques, sonorisations de cellules et de parloirs, aucun des deux hommes ne livrait le moindre détail, sans doute persuadés que nous étions sur eux. »

Pour en avoir le cœur net, les magistrats ordonnent le placement en garde-à-vue de Kevin D. Il est extrait de sa cellule de Condé-sur-Sarthe et interrogé dans les locaux de la PJ parisienne, le 6 février 2023, entouré de forces d’élite du RAID. D’entrée de jeu, le trafiquant clame alors son innocence et jure n’avoir jamais donné un centime d’euro à Faïd. Cette figure du « stup » confie toutefois avoir bien été approché par le braqueur, visiblement très curieux d’en savoir plus sur sa fortune amassée dans le trafic de drogue. Kevin D. sera finalement ramené en cellule, sans suites judiciaires données.

Un « trésor » découvert par les enquêteurs

Mais de toute évidence, Rédoine Faïd, lui, ne compte pas alors en rester là. Une seconde alerte est tirée, cette fois au printemps 2023, alors que le détenu est désormais incarcéré à Fleury-Mérogis (Essonne). La Brigade de répression du banditisme (BRB) de la PJ de Versailles va mettre la main sur un trésor de guerre : un manuscrit d’une quarantaine de pages. « Une bible pour tous ceux qui rêvent de prendre la tangente », raconte une source. 

Le manuscrit a été remis aux autorités par un co-détenu de Rédoine Faïd, bien désireux de montrer sa bonne foi et de tout faire pour ne pas être associé à ce nouveau projet d’évasion.

À en croire le document, agrémenté ici ou là de croquis soigneusement dessinés au stylo, un commando composé de quatre voyous devait dérober un hélicoptère pour se positionner devant un des bâtiments de la maison d’arrêt, désigné de façon précise par Faïd. Le reste tient du film d’action, ô combien riche en cascades, en coups de feu et en explosions.

L’un des malfrats – prié au préalable de s’inscrire à des cours d’escalade – devait ainsi, selon le scénario imaginé, descendre de l’hélicoptère en rappel, baudrier à l’appui, pour se poser sur l’un des toits du bâtiment. Pendant ce temps-là, ses complices devaient tirer au fusil d’assaut de type Kalachnikov. Objectif : dissuader les surveillants de riposter depuis les miradors. 

Rien n’était laissé au hasard

Un fin connaisseur du dossier

Toujours selon le manuscrit, Rédoine Faïd a même imaginé des noms de code, pour brouiller les pistes. Que vient faire par exemple « Isabelle » dans ce récit rocambolesque ? Les policiers finiront par comprendre que derrière ce prénom se cache en fait… une salle de la prison ciblée par le truand âgé de 52 ans. Une charge de 1,3 kilos d’explosifs devait être actionnée sur la serrure, afin de permettre au commando de s’introduire dans le quartier d’isolement.

Deuxième charge explosive, exemplaire du journal Le Parisien plié et glissé sous une porte pour indiquer aux malfaiteurs vers quelle cellule se diriger, fusils mitrailleurs supplémentaires stockés dans des sacs, rafales dans les coursives pour effrayer les surveillants, eau de javel pour effacer les traces compromettantes… « Rien n’était laissé au hasard », analyse un connaisseur du dossier, sidéré de voir à quel point « Faïd a ça ancré en lui, il continuera encore et encore à tout faire pour retrouver sa liberté ».

Nombre de policiers et de magistrats restent pourtant dubitatifs, tant les précédents plans du braqueur tenaient du secret d’État, et dont rien n’avait filtré avant le « top départ » des évasions. « Faïd a pris un risque énorme en mettant tout ça par écrit », raconte un policier qui a souvent croisé sa route. « Il se doutait bien que le manuscrit serait un jour retrouvé lors d’une fouille. C’est à croire qu’il se joue de nous, qu’il nous teste… C’est un malin, il ne faut pas l’oublier. »

En garde-à-vue hier, le « roi de la belle » s’est contenté de confirmer sa soif sans fin de liberté, et de déplorer ses conditions d’incarcération en quartier d’isolement, où il se trouve depuis une dizaine d’années. Relâché hier soir sans être pour l’heure mis en examen par les juges parisiens chargés de l’affaire, Rédoine Faïd reste présumé innocent.

« Je ne peux que m’étonner de la chronologie des faits », souligne maître Salomé Cohen, son avocate. « Après que l’opinion publique se soit enfin émue des conditions de détention hallucinantes de Rédoine Faïd, il est habile d’organiser cette garde à vue pour une nouvelle/autre tentative d’évasion. »


Georges BRENIER

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