Dans un paysage gris et beige, les principales touches de couleur sont apportées par les tas de détritus en plastique triés par des groupes d’enfants. A l’entrée de la mégapole pakistanaise de Karachi, le long d’une piste poussiéreuse, sur 17 kilomètres, des tentes et des maisons de fortune abritent plus de 150 000 personnes. La plupart ont fui les campagnes du Sind, du Baloutchistan, du Pendjab, échappant aux inondations à répétition, aux terres devenues infertiles ou à la pêche qui s’est raréfiée, pour se presser à Sindhabad, ce bidonville situé en bordure d’autoroute. Au gré des grandes submersions qui ont jalonné ces dernières années (2010, 2011, 2020, et surtout 2022), Sindhabad s’est étalé, grignotant de nouveaux kilomètres. Après l’été 2022, quand des pluies sans précédent se sont abattues sur la région, de nouveaux réfugiés climatiques sont venus allonger le campement de près de 7 kilomètres supplémentaires.

Originaires du district rural de Dadu, Sikander et Ajeeba Ali avaient déjà fui des inondations en 2010 pour s’installer à l’entrée de Karachi. Retournée un an plus tard à la campagne, la famille n’a jamais eu assez d’argent pour reconstruire une maison en dur. « En 2022, on vivait dans un abri de fortune, qui n’a pas tenu face aux pluies. On a eu une nuit pour évacuer tout le village », raconte Sikander. Après plusieurs jours d’errance sur les routes, le couple est revenu à Sindhabad, avec ses sept fils et ses trois filles. Deux ans et demi plus tard, ils ne se voient plus en bouger, malgré les conditions précaires.

A la campagne, Sikander et Ajeeba travaillaient tous deux comme ouvriers agricoles dans les champs. A Karachi, Sikander est employé dans un hôtel et gagne entre 500 et 1 000 roupies par jour (de 1,60 à 3,20 euros). « Ici, on est plus indépendants et on a un toit au-dessus de nos têtes. Pour nos enfants, c’est mieux. » Aucun de ces derniers n’est pourtant scolarisé, mais ce bidonville à l’entrée de la gigantesque ville de 25 millions d’habitants, où la famille a pu construire une maison en parpaing, leur semble malgré tout offrir plus de perspectives que la campagne, où le servage est toujours de mise et où le couple était écrasé par les dettes.

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