Le célèbre groupe disco Village People a été invité à se produire lors de l’investiture de Donald Trump à la Maison-Blanche.
Il interprétera sans doute le tube « YMCA », considéré à sa sortie en 1979 comme un hymne symbolique de la communauté gay.
Ces dernières années, les partisans du président élu l’ont détourné, entre nostalgie et défense d’une certaine idée de la liberté.
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Le 20 janvier, le jour où Donald Trump prête serment
Donald Trump va-t-il lever les bras au ciel durant le mythique « YMCA » des Village People ? L’annonce de la participation du célèbre groupe disco à sa cérémonie d’investiture, ce lundi 20 janvier, a pu paraître surprenante au premier abord. Sauf que durant la récente électorale, cet hymne de la culture gay a été régulièrement entonné par les supporters de l’homme d’affaires républicain à la fin de ses meetings. Une « curiosité » qui mérite une petite explication.
Issue de l’album Cruisin’ en 1978, la chanson « YMCA » est l’acronyme de Young Men’s Christian Association, un mouvement international de jeunesse qui compte des milliers d’auberges pour étudiants à travers le monde. À sa création à New York, au milieu du XIXᵉ siècle, il s’adresse essentiellement à de jeunes hommes issus de la classe ouvrière, à la recherche d’un toit dans les grandes villes.
Un tube écrit par deux Français
La chanson que tout le monde connaît a été écrite par deux producteurs français, Jacques Morali et Henri Belolo, inspirés par une virée à proximité du YMCA du quartier de Greenwich Village, qui abrite une importante communauté gay. Pour l’interpréter, ils recrutent six chanteurs relookés suivant des archétypes de la virilité : un policier, un indien, un soldat, un cowboy, un ouvrier en bâtiment et un motard.
Si « YMCA » est de tout de suite adoptée par les milieux homosexuels, c’est aussi en raison de ses paroles « suggestives ». Exemple avec le célèbre refrain : « It’s fun to stay at the Y.M.C.A. (C’est fun de séjourner au YMCA – ndlr). They have everything for young men to enjoy (Ils ont tout ce qui faut pour que les jeunes hommes passent du bon temps – ndlr). You can hang out with all the boys (Vous pouvez traîner avec tous les garçons – ndlr).
Dans les années 2000, cette interprétation a été contestée par le chanteur Victor Willis, le policier des Village People affirmant que le « bon temps » en question se référait aux activités culturelles et sportives proposées par les auberges de jeunesse en question. Mais dans le documentaire Secret Disco Revolution, sorti en 2013, Jacques Morali, lui-même homosexuel, revendique clairement sa volonté d’écrire un hymne pour sa communauté. Un incontournable de la playlist des meetings de Donald Trump ? Pas forcément.
Au printemps 2020, alors que la pandémie de Covid-19 paralyse la planète, le refrain de la chanson retentit dans les rues de plusieurs villes des États-Unis lors des manifestations contre le confinement. Mettant de côté toute connotation sexuelle, les participants remplaçant les lettre YMCA par MAGA (Make America Great Again) pour en faire un hymne à la liberté. Quelques mois plus tard, cette nouvelle version resurgira lors de meetings d’un Donald Trump en quête de revanche.
Nostalgiques, masculinistes, patriotes…
Interrogé par la BBC, l’anthropologue Jamie Saris estime que ses partisans « veulent revivre certains moments qu’ils associent dans leur cerveau à une époque où l’Amérique était grande. Mais ils ne veulent pas voir les contradictions. Beaucoup de jeunes de l’époque jugeaient la disco problématique. Aujourd’hui, les mêmes trouvent que les années 1970 étaient super, parce qu’ils n’avaient pas mal au dos !« . Plus surprenant encore : des militants débarquent déguisés en vétérans ou en policiers, transformant les archétypes de 1979 en icônes masculinistes.
Cette réappropriation de « YMCA » a largement dépassé les frontières. En novembre dernier, plusieurs eurodéputés d’extrême droite ont célébré la victoire de Donald Trump dans les couloirs du Parlement de Bruxelles. Dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, des membres du groupe des Patriotes pour l’Europe saluent un moment « historique » qui montre « la force d’un mouvement patriote » sur l’air de la chanson.
Congratulations @realDonaldTrump 🇺🇸, now it is our turn! #Patriots pic.twitter.com/tbwFmrWQHz — Patriots for Europe (@PatriotsEP) November 6, 2024
Mais qu’en pensent les Village People ? En 2020, Victor Willis lui-même avait envoyé une lettre de mise en demeure aux équipes de Donald Trump en 2020 lorsqu’un groupe de sosies de Village People s’est produit à Mar-a-Lago, la résidence floridienne de l’homme d’affaires. Depuis, il a changé d’avis. « YMCA va rapporter des millions grâce à ses utilisations répétées par le président élu et je suis donc heureux qu’il continue« , a-t-il écrit en décembre dernier sur Facebook.
Dans ce post, le chanteur de 73 ans, qu’on verra lundi se produire à la Maison-Blanche, prend de nouveau ses distances avec la dimension érotique de la chanson. « Je suis sûr qu’on peut trouver plein de façons de passer du bon temps« , écrit-il. Mais pas seulement. « À compter de janvier 2025, ma femme portera plainte contre tout média qui présente YMCA comme un soi-disant hymne gay« , prévient-il. Faut quand même pas pousser.