Les historiens livreront leur lecture dans un avenir plus ou moins long. Mais qu’en est-il des juristes ? A la question de savoir si un génocide est en cours ou a été commis par Israël à l’encontre des Palestiniens de la bande de Gaza, tous ou presque ont un avis. Ils s’affrontent à coups de tribunes dans les journaux ou d’articles dans des revues savantes.
Le débat était déjà là depuis plusieurs mois, en sourdine, mais en une phrase, Emmanuel Macron l’a fait exploser au grand jour. Le 13 mai au soir, sur TF1, au milieu de l’interview présidentielle, le journaliste Gilles Bouleau demande abruptement au chef de l’Etat : « M. le président, ce qui se passe actuellement à Gaza relève-t-il du génocide ? » Visiblement préparé et l’air grave, le chef de l’Etat répond sans hésitation : « Ce n’est pas à un responsable politique d’employer ces termes, c’est aux historiens en temps voulu. »
Fidèle à son habitude du « en même temps », le chef de l’Etat n’a pas approuvé l’emploi du mot « génocide », il ne l’a pas non plus réprouvé. Mais en renvoyant la responsabilité aux historiens et au temps long, il feint d’ignorer que plusieurs actions en justice sont en cours, tant devant les juridictions françaises qu’auprès des instances internationales compétentes – la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI), toutes deux basées à La Haye, aux Pays-Bas.
Très tôt après le 7 octobre 2023
Car la question du génocide et de Gaza ne relève pas seulement du travail que mèneront des historiens sur les archives. C’est avant tout l’affaire des juristes – procureurs, juges d’instruction et avocats –, qui travaillent concrètement sur des plaintes, des assignations et des recours déjà déposés. Ainsi, le Parquet national antiterroriste français, chargé de la torture, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des génocides, a demandé, courant mai, l’ouverture d’une information judiciaire à la suite d’une plainte pour « complicité de génocide » et « incitation directe au génocide » visant des militants franco-israéliens ayant entravé l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza en 2023, 2024 et 2025. Seule l’instruction dira s’il y a eu complicité et donc génocide, mais cela risque de prendre plusieurs années.
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