• Mise entre parenthèse depuis l’offensive menée par Israël en Iran, la question du conflit israélo-palestinien refait surface, tout comme celle de la libération des otages et d’un cessez-le-feu.
  • Pour en savoir plus, TF1info a interrogé Jean-Paul Chagnollaud, directeur de l’Institut de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient.

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Attaque inédite de l’Iran contre Israël

Et Gaza, dans tout ça ? Le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a salué « une victoire historique » pour son pays, suite à l’annonce d’un cessez-le-feu en l’Iran et Israël (nouvelle fenêtre), affirmant avoir « anéanti le projet nucléaire iranien (nouvelle fenêtre)« . L’État hébreu a fait savoir que son armée allait se concentrer à nouveau sur la guerre avec le Hamas (nouvelle fenêtre), alors qu’un responsable du mouvement islamiste palestinien a indiqué que les échanges avec les médiateurs égyptiens et qataris pour aboutir à un cessez-le-feu avec Israël s’étaient même intensifiées au cours dernières heures. 

Pour en savoir plus, TF1info a contacté Jean-Paul Chagnollaud, directeur de l’Institut de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (iReMMO) et coauteur de l’ouvrage « Atlas des Palestiniens : Itinéraire d’un peuple sans État » (éditions Autrement, 2025).

Suite à l’annonce d’un cessez-le-feu entre Israël et l’Iran, les familles des otages espèrent désormais que le gouvernement israélien va obtenir leur libération. Avec ce qui se passe en Iran, les responsables du mouvement islamiste palestinien seront-ils être plus enclins à négocier un cessez-le-feu et à des échanges de prisonnier ? 

Jean-Paul Chagnollaud : Benyamin Netanyahou a été très critiqué dans son pays pour ne pas avoir mis la priorité sur la question des otages. Mais pour le reste, à savoir l’écrasement de Gaza, il a toujours été soutenu par l’opinion publique, ce qui l’arrange bien, car il a des intérêts personnels à aller dans ce sens. Aujourd’hui, il est évident qu’Israël est en position de force. Et par conséquent, ce qui se passe de manière tout à fait dramatique dans la bande de Gaza (nouvelle fenêtre) risque encore de s’aggraver. Israël a dit reprendre la lutte contre le Hamas, mais c’est une impasse. Aujourd’hui, cette guerre n’a plus de sens. Cela fait des mois qu’elle aurait dû s’arrêter, car il n’y a plus de forces venant du Hamas qui menacent Israël. Reprendre la lutte contre le Hamas n’a aucune chance d’aboutir, si ce n’est continuer à écraser la population et la pousser à quitter la bande de Gaza. N’oublions pas qu’un processus de cessez-le-feu (nouvelle fenêtre) avait été mis en place en janvier avant d’être balayé d’un revers de la main par Benyamin Netanyahou. Maintenant, la vraie question est de savoir si la communauté internationale va intervenir pour mettre un terme au conflit. 

Une conférence devait se tenir la semaine dernière au siège des Nations unies à New York pour discuter de la solution dite à deux États (nouvelle fenêtre). Cependant, la réunion a dû être annulée en raison de l’offensive menée par Israël contre l’Iran. Ces discussions ont-elles encore une chance d’aboutir ?

La conférence des Nations unies à New York, portée par la France et l’Arabie Saoudite, avait également pour objectif de proposer un chemin pour régler le conflit israélo-palestinien. À l’heure actuelle, c’est la seule initiative politique qui a du sens. Emmanuel Macron l’a différé pour les raisons qu’on connait et qui ne sont pas le fait du hasard. Car il est clair que Benyamin Nétanyahou a voulu pulvériser ces négociations, tout comme celles qui étaient prévues à Oman sur le programme nucléaire iranien (nouvelle fenêtre). D’après mes informations, cette conférence pourrait avoir lieu en juillet prochain. Mais il y a tellement de paramètres à maîtriser que rien n’est certain. 

La clé pour sortir de ce conflit est entre les mains d’un personnage pour le moins imprévisible

Jean-Paul Chagnollaud

Selon vous, une issue diplomatique au conflit israélo-palestinien est-elle encore possible ?

Toute la communauté internationale est favorable à un cessez-le-feu, mais la coalition de Benyamin Nétanyahou n’en veut pas. Le chef du gouvernement israélien va être contraint un jour ou l’autre de le faire, mais il faut pour cela que la communauté internationale mette à nouveau la pression sur Benyamin Nétanyahou pour qu’il cesse cette guerre. Seuls les États-Unis, l’Europe, la France et surtout l’Arabie Saoudite, qui a un rôle majeur dans la région, peuvent contraindre Israël à mettre fin à ce conflit. À condition, toutefois, qu’en cas de cessez-le-feu, celui-ci soit suivi d’un processus diplomatique, comme le prévoyaient les résolutions des Nations unies, notamment celle du 2 juin 2024. 

La deuxième phase aurait d’ailleurs dû s’ouvrir en mars dernier et impliquait, entre autres, la libération des otages, le retrait total de l’armée israélienne, en passant par la reconstruction de la bande de Gaza. Mais pour le moment, le conseil de sécurité de l’ONU est aphone, tandis que les Européens sont dans un attentisme, puisqu’ils ont reporté les discussions sur les éventuelles sanctions contre Israël. Celui qui a la solution, une fois encore, c’est Washington. Et aujourd’hui, la clé pour sortir de ce conflit est entre les mains d’un personnage pour le moins imprévisible. 

Israël a imposé aux yeux du monde sa puissance et a rétabli sa dissuasion abîmée par l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023 (nouvelle fenêtre). De quoi instaurer un nouveau rapport de force dans la région et pour longtemps ?

Qu’il y ait un nouveau rapport de force au sens militaire du terme, c’est incontestable. Aujourd’hui, le fameux axe de la résistance (nouvelle fenêtre), comme on l’appelait, s’est écroulé. L’Iran est affaibli et la Syrie est au bord du chaos (nouvelle fenêtre). À partir de là, deux voies sont possibles : soit on reste dans la logique d’une hégémonie uniquement fondée sur la puissance militaire, soit on essaie de ramener le calme dans la région à travers des compromis politiques, via des traités et des accords internationaux. Ce qui veut dire, concrètement, qu’on reprendrait les négociations avec l’Iran et qu’on ferait un accord pour qu’il y ait à terme un État palestinien. 

Si on reste à la destruction par le militaire, on n’aboutit à rien. Les États-Unis ont gagné la guerre en Irak en 2003, parait-il. Vingt ans plus tard, on voit la situation… Et on pourrait multiplier les exemples. Aujourd’hui, il ne faut pas oublier qu’il y a sept millions de Palestiniens entre la vallée du Jourdain et la Méditerranée, dont deux millions sont citoyens israéliens. Et il y a sept millions de juifs israéliens. Ils ont le droit à la sécurité, à leur État, mais les autres ont aussi droit à l’autodétermination. Si on ne prend pas un autre cap, on ne fera que différer les prochaines violences. 

Matthieu DELACHARLERY

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