LETTRE DE BUENOS AIRES

Le président argentin, Javier Milei, pose à côté du PDG de Tesla et propriétaire de X, Elon Musk, à la gigafactory Tesla, à Austin, Texas, le 12 avril 2024.

« L’inflation va s’effondrer ! » Le président argentin, Javier Milei, jubile lors d’une interview avec le journaliste Alejandro Fantino dans son programme « Multiverso Fantino », le 8 avril. En direct sur YouTube, il observe sur un écran l’évolution des prix depuis un compte du réseau social X. Celui-ci, sous le nom de « Jumbot », affiche le logo d’une célèbre chaîne de grande distribution et se présente comme un « robot » qui relève les prix du panier de la ménagère sur le site des supermarchés Jumbo pour informer de leur évolution.

Les tweets font état d’une baisse des prix durant la première semaine d’avril. Un résultat que le président d’extrême droite, pour qui les politiques d’austérité drastiques mises en place depuis son arrivée au pouvoir doivent « en finir avec l’inflation » dans un pays où elle est devenue chronique, est ravi de partager avec son auditoire.

Le problème, c’est que dans la foulée, Jumbot, qui se révèle être un faux compte, nie les informations. « Ce compte est une expérience sociale. (…) Il n’a jamais existé aucun bot qui suive les prix de Jumbo. Mais cela a servi à une chose. Exposer la nécessité pour certains de montrer des résultats que la réalité dément », explique un post publié quelques heures plus tard. Les prix des produits alimentaires ont en effet augmenté de près de 50 % depuis le début de l’année, d’après l’Institut national des statistiques.

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« Demi-mensonges systématiques »

« Il y a un aspect très préoccupant dans la communication du gouvernement et du président, celui qui consiste à diffuser des demi-mensonges systématiques – avec un certain degré de vraisemblance – qui restent et que le récepteur du message va interpréter en fonction de sa sensibilité », analyse Rolando Muzzin, consultant en communication politique et chercheur à l’université Tres de Febrero, à Caseros.

En dépit du piège du « Jumbogate » (du nom de la chaîne de supermarchés en question), dans lequel le président est tombé, les analystes en communication politique s’accordent sur un point : celle du gouvernement est professionnelle et efficace. « Elle est très habile et met en évidence l’incapacité de ses opposants politiques à la contrer. Elle est caractérisée par son ton provocateur et parvient à s’imposer au cœur des débats, à capter l’attention du public et des médias », explique Rolando Muzzin.

Développée essentiellement à partir des comptes personnels, la dimension numérique est un pilier fondamental de la communication gouvernementale. « Javier Milei est une figure née des médias, de la télévision comme polémiste, mais, surtout, des réseaux sociaux qui sont son environnement naturel », indique Lucia Vincent, politologue de l’université de San Martin spécialisée dans la communication politique. Le succès de la campagne présidentielle de Javier Milei, dont la personnalité montre des « difficultés relationnelles », assure Lucia Vincent, est pour une bonne part dû à sa stratégie sur les réseaux et à l’activité bouillonnante de ses followers. « Son contact avec la réalité, c’est X », ajoute-t-elle.

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