Aux États-Unis, la campagne s’intensifie nà six semaines seulement de l’élection présidentielle.
François-Xavier Ménage poursuit la traversée de ce pays si fracturé à bord du mythique train California Zephyr.
Escale dans les villes fantômes des Rocheuses, à la rencontre des rares habitants d’une Amérique disparue.

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Les enquêtes de FX

Nous poursuivons notre exploration à la recherche d’une Amérique disparue, évaporée, cachée dans les montagnes et les déserts : l’Amérique des villes fantômes. Le pays compte au moins 3800 bourgades totalement dépeuplées. Dans les Rocheuses, il y en a des dizaines à la ronde. À l’exemple de Woodside, fondée en 1881 autour de mines de charbon. Aujourd’hui, ne reste debout qu’une station essence récemment fermée. 

Chris est l’unique résident. Sa maison, c’est sa caravane. Il veut ranger un peu avant de nous recevoir et cache son arme sur la banquette pour que nous ne remarquions rien. Peine perdue. « Vous savez, avec ce qui se passe parfois ici… On croise souvent des gens bien… et des gens moins bien ». Chris travaille sur le bord de la route. Toute la semaine, il vend de la viande séchée. Les clients sont si peu nombreux qu’on ne comprend pas de quoi il vit : « J’ai entre deux et cinq achats par jour. » Sans aide de l’État, il survit seul et n’a jamais voté de sa vie. Il dit n’avoir qu’un désir : « Je veux me sentir libre. C’est pour ça que j’assure mes arrières ici. » 

« Ici habite une femme folle qui a des armes »

Après une demi-heure de route dans ces paysages où l’on croise des trains fantômes qui semblent figés depuis des années, nous arrivons dans une autre ville abandonnée, Cisco. La plus inquiétante qu’il nous sera donné de voir. Ici, on affiche tout de suite la couleur politique : c’est Trump. À l’entrée d’une propriété privée, des panneaux interpellent. L’un met en garde : ici habite une femme qui est folle et qui a des armes. Un deuxième panneau dit également de faire attention parce qu’on entre dans une zone où il y a des rednecks – qu’on pourrait traduire méchamment par « ploucs » – avec des hommes et des femmes armés et de la country music. Humour ou menaces ? Sans doute un peu des deux. 

À côté des caméras de surveillance, dans un jardin, la statue d’un extraterrestre. Des installations énigmatiques et ces panneaux par dizaines interdisant d’entrer dans les jardins. On appelle pour savoir s’il y a quelqu’un, pendant un quart d’heure. Personne ne répond. Le seul bruit qu’on entend, c’est celui du drapeau américain agité par le vent. 

En bordure de ville nous attend Jay-Jay, un passionné de photo, fascinée par cette ville et ses habitants fantômes. Ils seraient quatre, nous dit-il : « Leur bien le plus cher, c’est leur sécurité. Les étrangers, quels qu’ils soient, leur font peur. Je pense que certains vivent ici retranchés parce qu’ils craignent une guerre civile. » 

Dans l’avenir, il pourrait y avoir beaucoup d’Américains affamés qui s’attaquent à leurs voisins pour les piller.

A.J., habitant de Thompson Springs

À 1600 mètres d’altitude, nous voici maintenant à Thompson Springs. La ville, fondée en 1880, est le symbole d’une Amérique oubliée de tous, à commencer par Washington. À son apogée, elle était à la fois un hôtel, un saloon, mais aussi un bureau de poste. Tout ça a disparu. Les habitants ont déserté ces lieux notamment à cause du manque d’eau criant depuis des décennies. A.J. est né ici. S’il reste encore, c’est parce qu’il a peur du chaos après la présidentielle, avec un scénario catastrophe comme les aime Hollywood : « Dans l’avenir, il pourrait y avoir beaucoup d’Américains affamés qui s’attaquent à leurs voisins pour les piller. Dieu merci, moi je n’ai pas de voisin ici. Je préfère être en autosuffisance ici, avec des montagnes me protéger. » Conservateur, A.J. votera Trump. 

Notre voyage nous conduit ensuite à Green River. Enfin une vraie ville. Presque 10.000 habitants. Sauf qu’un quartier entier est, lui aussi, devenu fantôme. Ici, pas de survivalistes ou de théorie du chaos, mais une économie en panne et des riverains qui fuient. Le propriétaire d’une maison a dû tout abandonner après un accident de travail et fuir jusqu’à ses dettes. Il n’a rien emporté. Nous allons voir son voisin, Brandon, qui travaille sous les ordres du shérif. « Il faudrait vraiment que l’économie se stabilise. On en a tant besoin ici. On n’a pas beaucoup de ressources dans le coin. Avec le coût de la vie aujourd’hui, c’est dur pour tout le monde. » Ce qu’il attend des politiques ? « Plus grand-chose. » Brandon fait partie de ces Américains rencontrés dans ces décors figés et qui disent plus que jamais être éloignés de la politique. 

Notre voyage se poursuit vers l’Ouest. Prochaine étape : Salt Lake City.


La rédaction de TF1info | Reportage TF1 : François-Xavier Ménage, David Pirès

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